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LIBAN : Table ronde de La Renaissance Française au salon du livre francophone de Beyrouth

par Christian OLIVE

LIBAN : La Francophonie, l’anglais et le défi du numérique.
Table ronde de la Renaissance Française – délégation du Liban – au Salon du Livre francophone de Beyrouth 2018.

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Résumé des interventions.
Avant d’introduire les intervenants, Ibrahim Tabet (modérateur et président de la délégation libanaise) a présenté la mission de la Renaissance Française qui est de participer au rayonnement de la langue française ainsi que de la culture et des valeurs de la francophonie. Il a tenu ensuite à saluer l’action de l’Institut français pour promouvoir la langue française, la culture francophone, la diversité culturelle et les talents locaux. Pour lui « le succès du salon francophone du livre de Beyrouth témoigne de la vitalité de la francophonie au Liban. » […] « La francophonie est aujourd’hui confrontée à de nombreux défis : notamment la révolution numérique, la mondialisation qui diffuse partout les produits de la culture de masse américaine, et l’hégémonie de l’anglais qui affecte le statut du français comme langue internationale. Certes, pour la plupart de ses locuteurs, hors des pays anglo-saxons, l’anglais n’est qu’une langue outil réduite à sa plus simple expression. Mais, bien que le français soit d’avantage une langue de culture, force est de constater que, sauf en Afrique, il enregistre un certain recul dans les pays où il n’est pas la langue natale. Cela, malgré l’action du réseau des Instituts Français et la contribution des organisations de la société civile qui militent dans le même sens. »
[…] « Au sein de l’hexagone, où leur langue n’est pas menacée, la plupart des Français se sentent, d’après lui, moins concernés par la défense de la francophonie que, par exemple, les Québécois ou beaucoup de Libanais francophones. C’est aussi le cas des firmes multinationales françaises dont la communication interne se fait en anglais, mais aussi d’institutions comme les universités qui font de plus en plus place à l’anglais pour attirer des étudiants étrangers. Quant à l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), elle s’est éloignée de son cœur de mission qui est linguistique et culturel et s’est transformée en une organisation politique regroupant majoritairement des pays non francophones. »

Se demandant si « la francophonie est une passion française », M. Marcel Laugel, ancien ambassadeur de France et écrivain, déplore le fait que « la France métropolitaine donne bien souvent l’image d’ignorer la francophonie ». « On peut être consterné de découvrir des politiques français qui ont recours à l’anglais dans leurs déclarations officielles. Cependant, défendre le champ d’influence de la langue française, comme le note Jacques Attali en économiste, constitue un enjeu absolument stratégique pour l’avenir.» Pour lui, « le Liban, fort heureusement, ne suit pas cette voie ». […] « L’Ambassade de France, de son côté, travaille pour développer la francophonie et agit de manière significative dans le domaine éducatif. Le dispositif français à travers le monde, scolarise 70.000 élèves libanais, dont 10.000 à l’extérieur du pays, soit 20 % des effectifs du réseau français à l’étranger. Et sur un million d’enfants scolarisés au Liban, 53% apprennent la langue de Molière. Enfin c’est au Liban que se trouve le principal vivier du professorat francophone dans le monde. M. Rispoli, Conseiller d’action culturelle chargé de l’Audio-visuel, se félicite sur ce plan du réseau d’écoles homologuées par la France et se réjouit du vecteur culturel et intellectuel qu’est la langue française incarné par le succès à Beyrouth du livre francophone. Le président Emmanuel Macron, caresse le projet de doubler le nombre d’élèves des réseaux français dans le monde. Exprimant son souhait de promouvoir le Français dans les échanges et les institutions internationales, comme l’ONU et l’Union européenne, il a ajouté que l’anglais est devenu une langue de consommation, alors que le français est une langue de création. »

Pour Farid Chéhab, qui vient de signer son dernier ouvrage « Un pont sur le XXIe siècle » : « le numérique signifie un changement de paradigme total dans notre façon de penser, d’agir, de créer, de produire et plus simplement de vivre ». A l’ère du numérique, les élèves n’ont plus besoin d’accumuler des connaissances qu’ils trouvent facilement sur le Net. Il s’agit de former des têtes bien faites, plutôt que bien pleines. Il qualifie de « fondamentalistes de la francophonie » ceux qui s’accrochent à la pureté de la langue française, dans son sens littéral, bâti sur son héritage littéraire et sa grammaire, et refusent l’idée d’une évolution nécessaire imposée par le nouveau langage numérique du monde. « En admettant que la barrière de la langue tombe, nous les francophones pouvons adopter une attitude défensive ou ambitieuse », déclare t-il. : « L’attitude défensive constitue à mener un combat d’arrière garde pour défendre l’utilisation et la pureté de la langue française. L’attitude ambitieuse à considérer que, plus qu’une langue, la francophonie est une culture faite de liberté, d’humanisme et de valeurs : l’esprit francophone. » […] « Soyons les champions de la liberté dans un monde où des hommes utilisent le numérique pour nous asservir. Aujourd’hui, la révolution informatique et biologique remet en question les droits de l’homme. Il faut les réactualiser dans le nouveau contexte et les adapter aux nouvelles exigences créées par la technologie. Le numérique est lui-même à la recherche de solutions en bioéthique, et protection des données personnelles. La francophonie peut être la championne de cette nouvelle mission. »

Romancière et journaliste, Jocelyne Awad a abordé le sujet de la crise du livre et de la lecture. Pour elle, le secteur livre en France a remonté la pente et le livre numérique a le vent en poupe. En 2017, plus de 356 millions de livres ont été vendus dans l’Hexagone (avec 9% de livres numériques de plus qu’en 2016). Par contre au Liban, la lecture a régressé plus qu’en Occident. La grande majorité des 15 -25 ans lit de moins en moins. En général, les gens se sont de plus en plus habitués à l’information courte et aux articles à lire en vitesse. Les grands lecteurs sont les femmes et les plus de 50 ans. Le livre est cher. Le monde de l’édition locale en français qui était florissant connaît un ralentissement. Cependant, fait positif : de nombreux clubs de lecture francophones voient le jour à travers le pays. Les libanais lisent malgré tout en français 4 fois plus de livres en moyenne qu’au Maroc par exemple. Pour donner le goût de la lecture aux enfants, l’effort des parents est indispensable. Quand il y a peu de livres à la maison, les enfants lisent moins. Il faut que dans l’esprit de l’enfant ou de l’adolescent, lire soit perçu comme une activité qui donne du plaisir. Ils aiment la bande dessinée, les romans policiers ou, d’aventure. Il n’est jamais trop tôt pour réveiller l’intérêt pour la lecture.

Médiatrice, romancière et poète, Joëlle Cattan a défendu l’idée de la francophonie comme identité. Pour elle, la Francophonie fait partie de notre identité, « une identité qui nous habite de l’intérieur, celle que nous avons dans l’être, parfois même dans nos gênes et nos veines » […] « Quelle que soit la définition donnée à la Francophonie, que celle-ci soit au sens stricto sensu du dictionnaire (qui parle habituellement le français), ou au sens large, c’est-à-dire d’un élan en faveur, aussi bien de la défense et de la promotion de la langue française, que de celui de la diversité culturelle, et du partage des valeurs démocratiques. » […] « Nous ne cessons pas d’être francophones que nous soyons bilingues, trilingues, ou multilingues. Bien au contraire, les personnes parlant plusieurs langues, sont les plus grands défenseurs du français » […] « Au lieu de parler du danger du numérique, sachons l’utiliser à bon escient pour en faire un tremplin, et non un problème. A nous de ne pas privilégier la lecture par survol, la communication par des émoticônes. A nous de convertir les défis du numérique en opportunités, grâce à la création -individuelle et collective- dans toutes ses expressions, et sous toutes ses formes. » Elle a conclu son allocution par un poème-profession de foi en faveur de la francophonie.

Table ronde de la Renaissance Française – délégation du Liban – au Salon du Livre francophone de Beyrouth
Mot d’introduction du modérateur (Ibrahim Tabet).

Je vous remercie de votre intérêt pour le thème de cette table ronde. Merci aussi à l’Institut Français pour l’organisation de ce 25e salon du livre francophone, dont le succès qui ne se dément pas, témoigne de la vitalité de la francophonie au Liban. Ses efforts pour promouvoir la diversité culturelle et les talents locaux méritent aussi d’être salués. Avant de donner la parole à nos quatre intervenants qui sont à la fois écrivains et membres de la Renaissance Française, permettez moi de vous présentez notre association.
Fondée en 1915 par le président Raymond Poincaré, la Renaissance Française est une ONG qui a pour mission de participer au rayonnement de la langue française et des valeurs de la francophonie ainsi que de faire mieux connaitre la culture du monde francophone et de promouvoir la diversité culturelle. Elle a aussi pour but de distinguer les mérites. Elle est présente dans toutes les régions de France et dans une trentaine de pays à travers le monde. Au Liban, notre délégation que j’ai l’honneur de présider, compte une trentaine de membres. J’invite ceux d’entre vous qui seraient intéressés à se joindre à nous à se faire connaitre. Chaque année, la commission des distinctions, qui siège à Paris, décerne un prix littéraire à un écrivain pour un titre ou l’ensemble de son œuvre ; ainsi que des médailles à des personnalités qui se sont distinguées par leurs qualités humaines, culturelles et sociales. Notre délégation a nominé une personnalité libanaise, digne à notre avis de recevoir une telle distinction, dont nous espérons pouvoir annoncer bientôt le nom.
La francophonie est aujourd’hui confrontée à de nombreux défis ; notamment la révolution numérique, la désaffection à l’égard de la lecture l’hégémonie de l’anglais et la mondialisation qui diffuse partout les produits de la culture de masse américaine que mon ami Jacques Séguéla qualifiait de coca-colonisation culturelle. Si ces phénomènes touchent toutes les langues et toutes les cultures, l’hégémonie de l’anglais affecte plus particulièrement le statut du français comme langue internationale. Certes, pour la plupart de ses locuteurs, hors des pays anglo-saxons, l’anglais n’est qu’une langue outil, un « « réduit à sa plus simple expression qu’Emmanuel Macron a qualifié de langue de consommation. Mais, bien que le français soit d’avantage une langue de culture, force est de constater que, sauf en Afrique, il recule dans les pays où il n’est pas la langue natale.
L’anglais ne constituant pas une menace dans l’hexagone, la plupart des Français se sentent moins concernés par la défense de la francophonie, que, par exemple, les Québécois ou beaucoup de Libanais francophones. Plus royalistes que le roi, l’attachement de ces derniers à ce qu’ils considèrent être une composante de leur identité culturelle s’explique sans doute par le fait qu’ils constituent des minorités au sein de leurs environnements. Et une manière de revendiquer leur différence. Cela ne les empêche pas de pratiquer l’anglais, contrairement aux anglophones qui n’éprouvent pas le besoin d’apprendre le français.

Il ne s’agit nullement de minimiser l’efficacité de l’action des institutions officielles françaises comme le réseau des Instituts Français et de passer sous silence la contribution des organisations de la société civile qui militent dans le même sens. Mais, hors quelques exemples de mécénats, il existe une relative indifférence au sein du secteur privé français vis-à-vis de ce qu’il considère comme un combat d’arrière garde. C’est surtout le cas des firmes multinationales françaises dont la communication interne se fait en anglais, mais aussi d’institutions comme les universités qui font de plus en plus place à l’anglais pour attirer des étudiants étrangers. Sans parler du « soft power » des Etats-Unis porté par ses industries culturelles et des géants américains du web, tels que Google, Microsoft, Apple et Facebook. De l’internet qui favorise la langue anglaise à travers le monde. Ou des enseignants-chercheurs qui pour publier un article dans une revue prestigieuse, n’ont d’autres choix que de le rédiger en anglais. Idem dans les congrès scientifiques.
Quant à l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), elle s’est éloignée de son cœur de mission qui est linguistique et culturel. Voila ce qu’en dit Alain Mabanckou, écrivain africain: “ Il y a d’un côté la francophonie institutionnelle et de l’autre, la francophonie culturelle. Pendant longtemps, on a privilégié l’institution. Il est peut-être temps qu’on recentre la francophonie sur la question de la culture, de la langue. » Prenant acte de l’inanité de contester à l’anglais son statut de langue internationale incontournable ; et au nom du pluralisme culturel et de la promotion, certes louable, des valeurs humanistes incarnées par la francophonie, l’OIF s’est transformée en une organisation politique prônant un monde multipolaire. Elle regroupe majoritairement des pays non francophones, au lieu de concentrer ses moyens sur les pays qui le sont. Notamment ceux dont le français est la seconde langue, où la jeunesse se tourne de plus en plus vers l’anglais, pour des raisons utilitaires.
Quel regard sur la francophonie porte-t-on en France et au Liban. Quel est l’état des lieux de la francophonie au Liban ? Comment peut-elle relever le défi du numérique ? Comment donner aux jeunes le gout de la lecture ? La francophonie a-t-elle au Liban une portée identitaire » ? Tels sont les thèmes que nos quatre intervenants se proposent de développer et qui seront suivis d’un débat.

Intervention. M. Marcel Laugel.
La Francophonie est-ce une passion française ?

Ce n’est pas sûr. La France métropolitaine donne bien souvent l’image d’ignorer la francophonie. On peut être consterné de découvrir des politiques français qui ont recours à l’anglais dans leurs déclarations officielles. On peut s’indigner de voir un Président de la République qui débute son septenat par une allocution en anglais (Giscard d’Estaing 1974) ; puis entendre le Président Sarkozy déclarer : « Ce n’est pas normal qu’on aille à la comédie française pour s’emmerder » (Le Figaro, 20 juin 2008) ; de voir un Premier Ministre préconisant la « positive attitude » (Rafarin, 2008) ; son successeur (Jean-Marc Ayrault 2013) qui met en œuvre devant les caméras la « Silver économie » ; Michel Camdessus, Directeur général du fond monétaire international, prononce son discours en anglais (Le Monde, 23 juin 2002). Parlent aussi en anglais dans leurs interventions, Pascal Lamy, Jean-Claude Trichet, Président de la Banque Centrale Européenne ; Schwartz, Directeur de l’Institut Pasteur ; le Général Morillon en Bosnie ; le Président du CNRS, le Président d’Air-Inter, Christian Blanc, qui laissait en tout anglais les annonces sur les lignes intérieures françaises, qu’entendait sans broncher parmi les passagers, Jacques Toubon, le ministre de la Culture. Et tout autant dans la société civile, Jean-Marie Messier et les dirigeants des grandes entreprises.
Cependant, défendre le champ d’influence de la langue française comme le note Jacques Attali en économiste, constitue un enjeu absolument stratégique pour l’avenir. Mais la France ne se pense pas sérieusement en francophonie. La France ne se soucie que de faire le lit de l’anglobish. L’Anglais s’appuie sur le Commonwealth et répand sa langue dans l’Europe et dans le monde ; la France néglige la francophonie.
Le Liban, fort heureusement, ne suit pas cette voie. Comme le dit le Général Aoun lors du récent sommet d’Erivan, ce pays reste la locomotive francophone du Moyen-Orient. Son essor est plus important que jamais. Le Président Aoun, qui a rappelé que le Liban avait accueilli le neuvième sommet de la francophonie en octobre 2002, estime que la francophonie doit affirmer sa mission de vivre ensemble. L’Ambassade de France, de son côté, travaille pour développer la francophonie et agit de manière significative dans le domaine éducatif. Mr. Rispoli, Conseiller d’action culturelle chargé de l’Audio-visuel, rappelle que 100% des élèves libanais sont exposés au Français, comme première ou seconde langue et se félicite sur ce plan du réseau d’écoles homologuées par la France. Appelant à sortir le français du ghetto post colonial pour reconnaître le Français comme une langue plurielle, Mr. Rispoli se réjouit du vecteur culturel et intellectuel qu’est la langue française incarné par le succès à Beyrouth du livre francophone.
Il est bon de rappeler également le travail acharné au service de la francophonie que livre un autre conseiller culturel chargé de l’enseignement scolaire, Mr. Serge Tillmann, qui parle avec passion de ses activités et salue la singularité libanaise exceptionnelle qui fait que le dispositif français à travers le monde, scolarise 70.000 élèves libanais, dont 10.000 à l’extérieur du pays, soit 20 % des effectifs du réseau français à l’étranger. Mr. Tillmann rappelle que sur un million d’enfants scolarisés au Liban, 53% apprennent la langue de Molière. Le Liban comptera 43 écoles privées homologuées, 2 de plus que l’année dernière. Ces écoles respecteront les programmes français et les méthodes d’enseignement. En 2025, le nombre d’établissements homologués devrait atteindre 80, totalisant 120.000 élèves.
En 1996, a eu lieu la signature de l’accord sur l’équivalence entre les deux Bacs libanais et français. On note une augmentation sensible du nombre de bacheliers français. Mieux encore, des établissements anglophones s’ouvrent à la langue française. En 2017-2018, près de 5.600 élèves libanais de Première et Terminale de cinquante établissements dont 9 non homologués, obtenaient le Bac français contre seulement 400 bacheliers au début des années 1970. Parallèlement à ces activités menées par Mr. Tillmann, a été opéré un transfert de compétence aux professeurs libanais. Paris a gagné le pari de faire corriger les épreuves du Bac par 450 enseignants libanais formés par trente enseignants français, portant ainsi le nombre de correcteurs à 480 professeurs. Les premiers centres d’examens dirigés par des non-français ont vu le jour au Liban au sein des établissements Melkart, Louise Weigmann, Antoura, Athénée de Beyrouth, Institut moderne. Très prochainement un centre d’examens devrait voir le jour à Saïda. L’Ambassade de France ambitionne d’atteindre le ratio de trois formateurs libanais pour un formateur français. A ce titre, elle devrait inaugurer bientôt la nouvelle formation de l’enseignement du français à l’Ecole Supérieure des Affaires, L’ESA. C’est au Liban que se trouve le principal vivier du professorat francophone dans le monde.
Les deux derniers Ambassadeurs de France, Bruno Foucher et précédemment Emmanuel Bonne, ont œuvré pour développer l’homologation, politique que Mr. Emmanuel Macron, s’est réappropriée car il caresse le projet de doubler le nombre d’élèves des réseaux français dans le monde qui est à l’heure actuelle de 499 écoles et de 350.000 élèves. Parallèlement, le Président français veut renforcer le label « France-Education » qui consacre un enseignement en langue française de qualité, dans le cadre de l’enseignement du programme du pays. A Erivan, Mr. Macron a exprimé son souhait de promouvoir le Français dans les échanges et les institutions internationales, comme l’ONU et l’Union européenne. Il a ajouté que l’Anglais est devenu une langue de consommation, alors que le Français est une langue de création. Il a enfin ajouté que la francophonie doit être féministe et favoriser la jeunesse.
La langue française semble bien armée pour affronter les défis de notre siècle. Mr. Antoine Courban dit : « Ni musée, ni espace transactionnel et encore moins enclos communautaire, la francophonie est avant tout un territoire patrimonial, celui de toute culture de civilisation faite d’humanisme et de citoyenneté, seules réponses valables à la globalisation. La francophonie est un levier de développement économique, social et environnemental puissant. La francophonie doit être la garantie d’une société forte, capable de rayonnement et d’ouverture ». Mr. Emmanuel Bonne, l’ancien Ambassadeur de France, disait : « Il n’y a pas de francophonie sans le Liban. La francophonie étant non seulement un espace linguistique, mais aussi une organisation qui constitue une enceinte de dialogue. Le Liban y a une place tout à fait singulière. Et je suis très reconnaissant aux Libanais qui se battent pour faire exister le Français dans l’espace public, notamment l’Orient-le-Jour qui le fait avec beaucoup de talent et d’engagement tous les jours. La francophonie donne à ceux qui en font partie l’avantage de se distinguer et je crois que cela est très important au Liban, un pays plus grand que lui-même. Ce pays a un intérêt fort à parler plusieurs langues, notamment une langue qui lui appartient véritablement. Et le Français appartient au Liban ».

Marcel Laugel

Intervention de Jocelyne Awad
La crise du livre et de la lecture

Je savais déjà que la crise du livre existait mais j’en découvris Personnellement la gravité à la sortie de « La Melkite », mon nouveau roman, il y a presque un an. La Melkite avait été bien reçu en France. Je m’attendais à de bonnes ventes Mes deux premiers romans s’étaient vendus au Liban à plus de trois mille exemplaires chacun … Le responsable d’une importante librairie locale avança le chiffre de 250 exemplaires. Devant mon étonnement, il me glissa que depuis quelques années, les gens achètent moins de livres…’’on lit beaucoup moins qu’avant’’ avait-il ajouté.

Parlons d’abord de la crise du livre en France. La crise a lieu aux environs de 2005. Les ventes chutent. D’une année à l‘ autre, le nombre de lecteurs baisse régulièrement. Les Français lisent toujours mais 72% affirment n’avoir pas le temps de lire d’avantage et 61% déclarent ne pas pouvoir lire plus parce qu’ils lisent autre chose (presse, blogs, articles sur mobile, contenus multimédias, Kindle).Les dictionnaires, encyclopédies, livres scolaires, ouvrages scientifiques, techniques et juridiques enregistrent une crise défavorable ‘’L’information a fini par tuer la connaissance’’ a déclaré le, philosophe français Christian Godin.
Depuis 2015, le secteur livre en France a remonté la pente. Cependant, toute une classe d’âge – les 15- 25 ans – se détourne de la lecture, comme d’une activité qui serait indigne d’elle et qui est réservée aux filles ou aux femmes d’un certain âge. En 2017, une enquête canadienne portant sur les habitudes de lecture des jeunes âgés de 6 à 17 ans nous apprend que plus ceux-ci vieillissent, plus ils délaissent la lecture au profit d’autres activités. Cela serait dû, en partie, à leur utilisation des nouvelles technologies.
Il faut savoir que près de 50 % des adolescents disent avoir de la difficulté à trouver des livres qui les intéressent.
Le livre numérique a le vent en poupe. Les français lisent toujours plus de livres papier mais avec une nette progression de la lecture sur numérique. D’après les statistiques, En 2017, plus de 356 millions de livres ont été vendus dans l’Hexagone (avec 9% de livres numériques de plus qu’en 2016). Les livres papier ont enregistré une légère baisse par rapport à l’année précédente (-1%)
En 2018 le chiffre d’affaires des éditeurs français connaît un recul de -1,61%, mais plusieurs aspects positifs poussent à l’optimisme. En France il y a un fort développement des livres d’occasion et de la vente en ligne au détriment de la librairie. Un sentiment toujours présent que les livres y sont plus chers.

Les principales raisons de la crise au Liban :
38 % des Libanais sont francophones, concentrés à Beyrouth et ses environs. Au Liban, La lecture a régressé plus qu’en Occident. Le livre semble avoir perdu une partie de son attraction. La crise touche les Libanais suivant leur âge. En fait, les plus jeunes lisent. De 7 à 12 ans, ils lisent avec plaisir les Bd et autres livres qu’on leur fournit
Mais au Liban aussi, la grande majorité des 15 -25 ans lit de moins en moins. Ils sont plus souvent devant un écran que devant un livre : ils passent de leur mobile à l’ordinateur, de la télé à la console de jeux. Certains lisent sur leurs plaquettes des textes courts. De plus toute une nouvelle gamme de loisirs supplémentaires très attractifs remplit leur temps – Netflix, sport, cinéma, musique, jeux. Effet attendu : Ce manque de lecture mène tout droit aux fautes d’orthographe, de grammaire, à la banalisation du langage SMS (un élève de terminal a inclut du texto dans sa rédaction sans s’en rendre compte).
En général, les gens se sont de plus en plus habitués à l’information courte et aux articles à lire en vitesse.Il y a quelques années, pour accéder à l’information il fallait absolument passer par les livres. Aujourd’hui, par quelques clics, l’information est instantanée. De plus la vie étant devenue plus difficile, le manque de temps, le stress,…ne laissent plus beaucoup de place pour la lecture. Comme en France les grands lecteurs sont les femmes et les plus de 50 ans.
Au Liban, le livre est cher. Le livre français coûte environ entre 13 dollars et 20$ sinon plus. La majoration du prix du livre surtout en période de crise économique le rend inaccessible à certains lecteurs. A l’université, les perspectives de succès professionnels ont été de plus en plus associés aux filières scientifiques et techniques aux dépends du livre. L‘ urgence de lire, a pour ainsi dire disparu de l’université.
Autre élément qui éloigne les lecteurs : En France comme au Liban on a l’impression qu’au lieu de lire, tout le monde écrit ! Les écrivains en herbe augmentent sensiblement. La surproduction de livres, la pénurie de véritables écrivains mène au désenchantement des lecteurs.
Vu l’instabilité politique, pas de stratégie culturelle aux ministères libanais de l’Education et de la Culture. On pense à la Bibliothèque Nationale qui n’a pas encore été inaugurée alors que sa restauration est terminée.

Le monde de l’Edition locale en français qui était florissant (dont les Editions An Nahar, Dergham, l’Alba, l’Université St Joseph, Aleph…) et qui exportaient même des livres français entre autres vers la Tunisie et le Maroc connait un ralentissement. Nadim Dergham propriétaire des Editions Dergham est amer : ‘’Les gens déclare-t-il, ne lisent plus qu’en diagonal, feuillettent les magazines, ne lisent plus de poésie.Les seuls sujets qu’il nous arrive d’éditer sont religieux, politique, ou philosophique. Le roman n’intéresse que si c’est une histoire vraie.’’

Options francophones qui valorisent le livre au Liban

Pour atténuer le coût du livre La Centrale de l’Edition en France se charge à présent d’une partie du coût du transport lors des exportations. Dans les écoles privées il y a une motivation pour la lecture des 7- 15 ans en vue du livre qui peut être un compagnon, une aide dans la vie… L’action déterminée en faveur de la lecture loisir a été plébiscitée. La médiathèque de Beyrouth de l’Institut français propose 25 000 livres (romans, bandes dessinées, albums jeunesse, documentaires, dictionnaires et encyclopédies).Créée en 1993 et réaménagée en 2008 la médiathèque accueille aujourd’hui un public nombreux d’enfants, d’adolescents et d’adultes.
Avec l’aide des municipalités une centaine de bibliothèques publiques a vu le jour. La bibliothèque publique Assabil de la Rue Monot tenue par une jeune femme dynamique en est un bon exemple. Ces bibliothèques prêtent gratuitement des livres français et arabes, organisent des réunions de lecture et traitent avec les écoles publiques. (Malheureusement l’effet escompté avec les écoles publiques n’a pas eu lieu. Il faut aussi savoir que certaines de ces écoles publiques qui avaient le français comme 1ere langue l’ont remplacé par l’anglais.)
Fait positif : de nombreux clubs de lecture francophones voient le jour à travers le pays. D’autre part, le livre français est toujours un beau cadeau qu’on n’hésite pas à offrir. Un bon mensuel L‘ Orient le Jour Littéraire renseigne sur les nouveautés littéraires et motive l’achat des livres. Il est également consultable en ligne.
Un autre évènement positif est Le Salon du livre. Le Salon stimule l’achat des livres même en période de crise économique. Ce salon occupe la 3e place à l’échelle mondiale après Paris et Montréal. ‘’L’Institut Français et le réseau d’écoles franco- libanaises déploient beaucoup d’énergie pour faire participer leurs élèves au salon, affirme Véronique Aulagnon directrice de l’Institut Français au Liban, plus de 20000 élèves l’année passée entre écoles privées et écoles publiques ont visité le salon.’’
Le contact avec les écrivains est positif et donne aux élèves et aux lecteurs plus âgés l’envie de lire ce qu’ils ont écrit. De plus, Les livres qui obtiennent des prix et les Best Sellers attirent les lecteurs.

La vente par internet, La vente en ligne, Fnac, Amazon, sont à la portée de tous. La vente du livre numérique aussi.
Les libanais lisent malgré tout en français 4 fois plus de livres en moyenne qu’au Maroc par exemple.

Il me reste à transmettre quelques conseils pour relancer la lecture chez les jeunes. L’effort privé des parents est indispensable. Quand il y a peu de livres à la maison, les enfants lisent moins. Il faut savoir que Les enfants lisent plus quand les parents lisent eux-mêmes. Malheureusement ces derniers ne leur communiquent plus la passion de la lecture et cela tient au fait que maintenant tous les deux travaillent.
De plus, avec les enfants, les parents doivent parler et discuter du livre que leurs enfants viennent de lire. Les enfants ne doivent jamais entrevoir la lecture comme quelque chose d’ennuyeux. Il faut Leur proposer de lire ce qui les attire, leur laisser la liberté de choisir leurs lectures. Il faut que dans l’esprit de l’enfant ou de l’adolescent, lire soit perçu comme une activité qui donne du plaisir. Trouver des lectures qui les concernent personnellement : (amitié, deuil, amour, voyage, lieux ou se passe l’histoire. – Leur donner l’habitude de lire à un moment précis de la journée avant de dormir par exemple. Pour les autres moments, aménager un coin réservé à la lecture. On le souhaite calme, confortable, bien éclairé et rempli de livres qui les intéressent.
– Les enfants aiment la diversité. Ils aiment la bande dessinée, les mangas, les comics… et les livres pratiques qui actuellement réalisent les évolutions les plus favorables sur le marché.
-Selon les rapports, les 10- 15 ans préfèrent :
-les romans policiers,
-les romans d’aventure (comme Harry Potter, Percy Jackson, Twilight, etc.) et les bandes-dessinées.

-Les livres où le héros réussit ce qu’il entreprend les intéresse particulièrement et ne peut que les aider à développer leur identité.

Il n’est jamais trop tôt pour réveiller l’intérêt pour la lecture.

En conclusion

Espérons qu’au Liban aussi le secteur du livre résistera mieux que prévu à la crise. Le numérique reste un complément à la lecture du livre en papier. Les défenseurs du livre traditionnel ne sont pas inquiets : le raz de marée de l’e-book qui devait tout balayer n’a pas eu lieu. De plus en plus de jeunes utilisent les livres en papier pour se reposer des écrans. Le Livre n’a pas besoin de batterie, de Wi-Fi, d’Internet…Les plus âgés avouent aimer le sens du toucher des livres et de pouvoir tourner les pages. Malgré le succès attendu de la lecture sur numérique, le livre reste le meilleur moyen de développement de l’esprit. Il aide à la réussite scolaire; fournit les connaissances et la culture générale; fait travailler l’imagination; stimule la mémoire et la capacité de concentration; enrichit le vocabulaire; développe l’émotion; et assure à tous…l’oxygène… la détente. Le livre doit continuer à être valorisé, motivé et ne peut qu’exister.

Jocelyne Awad

Intervention de Joëlle Cattan
La francophonie comme identité

Il est question aujourd’hui de « crépuscule de la culture française ». Les interrogations abondent pour savoir ce qu’il « reste de la culture française ».
Nous frémissons quant à un possible déclin de la francophonie, et nous nous
insurgeons contre ce que nous qualifions désormais comme étant une réalité: la dominance de l’anglais, les réseaux sociaux, etc.
Mais, en réalité, n’avez-vous pas remarqué que nous n’avons jamais autant
entendu parler de francophonie ? Non seulement de façon ponctuelle sur toutes les chaines, sur toutes les antennes, pour accompagner des Sommets ou des Forums de la Francophonie, mais aussi de façon permanente, à travers les multiples institutions francophones à échelle internationale, les très anciennes et les plus nouvelles ; à travers aussi les innombrables événements- colloques, concours, concerts, salons- organisés sous l’égide de la Francophonie. Même les demandes d’adhésion à l’Organisation Internationale de la Francophonie vont crescendo.
Est-ce que nous nous sommes interrogés sur la raison pour laquelle la
Francophonie fait autant parler d’elle ? Et pourquoi nous prenons parti en sa faveur ?
Est-ce un simple sursaut dont le ressort rebondit juste par intermittence ?
Ou est-ce en raison de notre prise de conscience de l’importance de ce bijou de valeur(s), singulier et pluriel à la fois ? Contrer la menace de sa potentielle extinction, par peur de ne pas pouvoir lui survivre, par chagrin, par colère, par amour ?

Peu importent les questions et les réponses, ainsi que les polémiques qu’ellespeuvent engendrer, il y a une évidence : les francophones, les défenseurs, les convaincus, les amoureux de la Francophonie sont là. Nous sommes là, non pas par hasard, mais pour affirmer tout haut que la Francophonie n’est pas un phénomène de mode ; il ne s’agit pas non plus d’un habit que l’on porte et que l’on retire au gré des saisons, ou en fonction de son usure.
Il s’agit plutôt de notre identité, une identité qui nous habite de l’intérieur, celle que nous avons dans l’être, parfois même dans nos gênes et nos veines.
Celle avec laquelle nous sommes nés (pour certains d’entre nous), celle avec
laquelle nous avons vécu, celle avec laquelle nous mourrons.
Quelle que soit la définition donnée à la Francophonie, que celle-ci soit au sens stricto sensu du dictionnaire (qui parle habituellement le français), ou au sens large, c’est-à-dire d’un élan en faveur, aussi bien de la défense et de la promotion de la langue française, que de celui de la diversité culturelle, et du partage des valeurs démocratiques.
Ce monde dans lequel les gens qui se parlent, ne se ressemblent pas forcément,
ne peut pas disparaitre ; cet univers n’est pas seulement le nôtre, le vôtre, mais aussi le leur. Il appartient, dans sa double signification, à un patrimoine à la fois individuel et collectif, de langues, d’idées, de créativité, d’échange, qui ne peut pas être effacé.
*La francophonie nous apprend à être, avant d’avoir, avant de posséder.
Elle est révélatrice de notre moi, encore plus que notre statut personnel, ou notre nationalité. Elle se manifeste, selon les cas, dès que nous prononçons quelques mots, ou dans notre attitude. Nous n’avons pas besoin de nous présenter: Bonjour, je suis francophone, comme nous déclinons notre nom, notre prénom, notre âge. La francophonie ne nécessite pas de soubassement papier.

De plus, nous ne sommes pas francophones en fonction de notre emplacement géographique. NOUS sommes francophones et nous emportons avec nous cette identité quelque soit le pays où nous nous trouvons. Nous ne cessons pas d’être francophones parce que nous résidons dans un espace anglophone, germanophone, hispanophone, ou arabophone…
Nous ne perdons pas non plus notre francophonie si nous parlons une autre langue que le français, que nous soyons bilingues, trilingues, ou multilingues.
Bien au contraire, les expériences montrent que les personnes parlant plusieurs langues, ou un autre idiome, sont les plus grands défenseurs du français.
Nous restons des porte-paroles de la Francophonie, sans nécessairement porter la seule langue de Molière.

Bien entendu, il nous faut nous concentrer sur l’évolution des comportements linguistiques et les changements dans la pratique du français par les populations susceptibles de l’utiliser.
J’aimerais vous donner un exemple tout récent très porteur : au cours d’une
Conférence internationale organisée à Beyrouth sous l’égide de l’OIF, le premier intervenant à prendre la parole en anglais, s’est excusé de ne pas pouvoir s’exprimer en français, et de devoir faire sa présentation en anglais.
N’est-ce pas révélateur ?
A nous de saisir la balle au bond, et de ne pas abandonner le français dans les échanges personnels et professionnels.
D’ailleurs, sans la francophonie, comment pouvoir savourer, dans leur version originale, le romantisme de Chateaubriand et de Victor Hugo ? Le réalisme avec Stendhal, Balzac et Flaubert ? Le naturalisme avec Zola ? Le surréalisme, ce renouveau de la poésie, d’André Breton et de Paul Eluard ?, mais aussi l’existentialisme de Sartre et de Beauvoir ? Ne pas pouvoir ressentir le spleen de Baudelaire et découvrir la riche philosophie de Rousseau ?, les chansons à texte de Barbara, de Brel ?, l’opéra et le cinéma francophones ?

Certes la francophonie a pris de l’âge depuis 1880, date à laquelle, le terme est apparu pour la première fois, lorsqu’un géographe français, Onesime Reclus, l’utilise pour désigner l’ensemble des personnes et des pays parlant le français.
Mais malgré son âge, elle s’affiche avec deux « f », le minuscule pour désigner les locuteurs de français, et le majuscule pour figurer le dispositif institutionnel organisant les relations entre les pays francophones.
Et depuis, la francophonie n’a pas cessé de semer une multitude d’autres « f », puisqu’elle a continué à fleurir elle-même, et à faire fleurir notre propre jardin cérébral ET celui de l’autre, grâce à sa mobilisation en faveur des vraies valeurs :
aux côtés de la langue française et de la diversité culturelle, viennent s’ajouter l’éducation, le développement durable, l’économie, et la société civile.

Nous parlons du danger que peut revêtir l’évolution, ou la mutation, ou encore la révolution numérique. Pourquoi ?
Parce que les mots n’y ont plus leur importance, ils n’ont plus la signification et la portée qu’ils sont censés avoir ; ils sont copiés, collés.
Alors que la francophonie consiste à signifier les mots.
Sachons dès lors utiliser la stratégie numérique à bon escient pour en faire un tremplin, et non un problème.
A nous de ne pas privilégier la lecture par survol, la communication par des
émoticônes. A nous de reprendre la communication personnelle, de remettre les mots à leur place, de savoir les lire et les transmettre en leur redonnant du sens.
Il NOUS incombe de replacer un livre entre nos mains, et celles de nos amis, de nos enfants !
Voyez-vous, ce n’est pas tant le numérique qui est le plus redoutable, mais l’usage qui en est fait. C’est à nous de réorienter le potentiel déclin de la francophonie en rayonnement.
Et de faire rebondir cette Francophonie que nous chérissons, en convertissant ses défis en opportunités, grâce à la continuelle:
– création -individuelle et collective- dans toutes ses expressions, et sous toutes ses formes,
– grâce également à notre engagement associatif, notamment les différentes
Institutions francophones, telle que celle que nous représentons aujourd’hui
autour de cette Table ronde, la Renaissance Française dont les délégations sont présentes dans toute la France et partout dans le monde.

Il NOUS appartient de faire perpétuer la dynamique de l’inestimable héritage
francophone, et de donner « à la Francophonie les moyens de ses ambitions », pour reprendre le thème des Assises de la francophonie économique organisé en 2002 à Beyrouth par le Comité National Libanais du Forum Francophone des Affaires, dans le cadre du IXe Sommet de la Francophonie.
En conclusion, loin des débats qui préconisent l’éclipse de la Francophonie, ou au contraire qui prédisent son éclat, déclamons dans cette salle au Salon du livre francophone de Beyrouth, organisé par l’Institut Français du Liban, déclamons ici et partout ailleurs, là où nous nous trouvons, notre fierté d’être francophones et d’appartenir à ce monde qui ne sait pas capituler.
Avant de repasser la parole, j’aimerais déclamer un poème que j’ai composé pour l’occasion et que j’ai intitulé « La Francophonie comme identité ».

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La Francophonie comme identité
Dans ton monde pluriel,
Les battements de tes ailes
Insufflent la liberté
Et vibrent de solidarité.
Tes valeurs millénaires
Aux résonnances planétaires
Conjuguent ton talent
A tous les temps.
Tu combats l’adversité
En te nourrissant de diversité.
Tu as de multiples nationalités,
Toutes décidées à conserver,
Au nom de l’humanité,
La Francophonie comme identité,
Toutes déterminées à retenir
Que tu es née pour ne pas mourir.

Joëlle Cattan

Intervention de Farid Chéhab
La Francophonie et le défi du numérique

Le numérique signifie un changement de paradigme total dans notre façon de penser, d’agir, de créer, de produire et plus simplement de vivre. C’est en quelque sorte une rupture dans le cycle de l’évolution et l’avènement d’un nouvel élément fondamental qui va influencer son cycle. Rien de moins. J’aime me placer dans ce contexte en abordant le sujet de cette table ronde, peut-être que nous approcherons le sujet de la francophonie sous un angle autrement différent.

Au niveau de l’éducation. A l’ère du numérique, les élèves n’ont plus besoin d’accumuler des connaissances qu’ils trouvent facilement sur le Net. L’ère de l’apprentissage par cœur est révolue. Il s’agit de former des têtes bien faites, plutôt que bien pleines », non plus de pousser les élèves à emmagasiner plein de connaissances, mais de les aider à « se doter de capacités de discernement et de jugement, de compétences transversales, d’esprit critique, de curiosité et de méthode ». « Nous voulons faire émerger la personnalité de l’élève »,

Perspective. Disciple fervent de la francophonie, je vois la technologie progresser d’une façon exponentielle et dans le tumulte tectonique qui en résulte, j’entends sans cesse ceux que j’appelle les « fondamentalistes » de la francophonie s’accrocher à la langue française dans son sens littéral, bâti sur son héritage littéraire, sa grammaire et son vocabulaire. Fondamentalistes de la langue, ils se barricadent derrière le dogme de la pureté de la langue, se plaignent de son érosion face à l’évènement de l’anglais et bientôt du chinois, et comme tout fondamentaliste, refusent l’idée d’une évolution nécessaire imposée par le nouveau langage numérique du monde.
En fait le langage numérique n’est ni français ni anglais ni chinois ni espagnol, bientôt la technologie fera que l’humanité entière se comprendra dans une seule technologie numérique qui permettra à votre interlocuteur de vous comprendre avec votre voix mais dans sa langue a lui

Choix. En admettant que la barrière de la langue tombe, nous les francophones pouvons adopter une attitude défensive ou ambitieuse. Commençons par la défensive. Nous continuons à nous accrocher à la forme et menons un combat d’arrière-garde pour que le plus grand nombre d’humains continuent à parler en français tel que les fondamentalistes de la langue l’envisagent. Elever la pureté de la langue comme objectif absolu, s’accrocher à la forme et voir notre bel héritage francophone se dissoudre dans la déferlante technologique qui va tout emporter.
Maintenant l’attitude ambitieuse : La francophonie est plus qu’une langue, la francophonie est une culture faite de liberté, d’humanisme et de valeurs. L’esprit francophone.

Liberté. Défendons la francophonie dans ce qu’elle apporte de plus précieux. La liberté. Déjà elle nous avait apporté la révolution qui a changé le monde. Mais aujourd’hui la liberté peut être au service de besoins plus adaptes au sens de l’histoire humaine et du numérique. Soyons les champions de la liberté dans un monde ou des hommes utilisent le numérique pour nous asservir. Au contraire, utilisons ce même numérique pour protéger notre liberté. Adoptons le numérique sans restriction mais pour protéger la liberté francophone. C’est un peu différent que de parler français. Le monde tend à se formater. Que la francophonie devienne le creuset de la liberté de l’esprit et surtout de son élévation. Dans la perspective du laminage par le dénominateur commun de la médiocrité, d’immenses perspectives s’ouvrent à la francophonie nouvelle autrement plus porteuse que la grammaire, l’orthographe et le vocabulaire. Plutôt que de vouloir le monde parler français, ayons l’ambition d’engager le monde à adopter les valeurs francophones Adoptons le numérique non comme un défi à surmonter mais une opportunité à saisir pour la pérennité de l’esprit francophone.

Humanisme. La francophonie a élevé les droits de l’homme au stade de statut universel. Aujourd’hui, la révolution informatique et biologique remet en question ces droits. Il faut les réactualiser dans le nouveau contexte et les adapter aux nouvelles exigences créées par la technologie. La francophonie peut être la championne de cette nouvelle mission. En prenant le numérique comme allié et non comme menace. Le numérique est lui-même à la recherche de solutions en bioéthique, et protection des données personnelles, faisons de la francophonie la championne des droits de l’homme numérique nouveau.

Valeurs. On a toujours associé la francophonie aux grandes valeurs de l’humanité. Certaines d’entre elles se perdent, d’autres sont à créer. Que la francophonie en soit la championne. La liste des valeurs à éliminer parce qu’obsolètes, à garder parce qu’utiles, à créer parce que nécessaires est longue. Investissons la francophonie nouvelle dans ces valeurs adaptées à l’âge numérique.

Attitude. Sortons de notre zone de confort, arrêtons de nous gargariser de belle littérature et concentrons-nous sur ce que la francophonie a apporté de plus noble à l’humanité. Un esprit plutôt qu’une grammaire. Les plus faibles d’entre nous s’en offusqueront et crierons au scandale. Les plus visionnaires saisiront l’opportunité qui se présente pour propulser la francophonie dans les nouveaux territoires de l’humanité nouvelle qui va en avoir grand besoin.

Farid Chéhab

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