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La France dispose d’un trésor fabuleux : la francophonie.

par Christian OLIVE

Francophonie : le français est-il encore une langue d’avenir ?
Par Gaël Nofri

Publié le 29/05/2017
dans FIGAROVOX/TRIBUNE

Dans un monde globalisé, Gaël Nofri appelle le nouveau gouvernement à reconsidérer la communauté francophone, atout diplomatique encore trop peu exploité.
Gaël Nofri est conseiller municipal et métropolitain de Nice et président du Groupe des élus niçois indépendants (DVD).

Dans le monde tel qu’il est aujourd’hui, alors que la diplomatie états-unienne semble plus que jamais incertaine, que la Russie semble retrouver un rôle tout à fait fondamentale qu’elle avait perdu avec l’effondrement du bloc soviétique, que les conflits en Syrie, au Yémen et peut-être demain en Iran s’accumulent et s’enlisent, que les tensions en Asie, s’accumulent tant en Mer de Chine qu’en Corée du Nord, les diplomates, les politiques et les meneurs d’opinion ne cessent de parler de ponts à construire, de relations à nouer, de discussions à engager. Les attentes en matière de relations internationales sont particulièrement fortes ; partout réapparaît l’idée d’influence, le besoin de structurer les rapports entre nations, d’ordonner un monde décidément bien désordonné. Après deux décennies durant lesquelles a semblé triompher l’idée d’un monde globalisé et unipolaire correspondant à l’idée d’une fin de l’Histoire, le réel a repris le pas sur le fantasme.
Comme les autres, la France a besoin de réinvestir dans sa diplomatie si elle ne veut pas perdre en influence. Comme les autres, elle aura besoin de créer de nouveaux liens, de nouvelles dynamiques, si elle entend demeurer une puissance de premier plan et si, conformément à sa vocation historique, elle entend encore être porteuse d’un idéal universel. Pourtant, n’en déplaise peut-être à ceux qui demeurent persuadés que le passé n’est qu’un fardeau et que chaque génération a à refaire le monde à son image, des outils, des liens, des synergies existent déjà pour la France, encore convient-il de s’en souvenir et de, s’en étant souvenu, décider de les convoquer.

La France dispose d’un trésor fabuleux, inestimable mais hélas quasiment abandonné : la francophonie.

En matière de diplomatie et d’influence, la France dispose en effet d’un trésor fabuleux, inestimable mais hélas quasiment abandonné: la francophonie.
La francophonie n’est pas, comme voudraient le faire croire ses détracteurs, plus attachés à déconstruire qu’à voir le réel, une création néocoloniale retraçant la domination écrasante d’une population européenne sur le reste des territoires qu’elle a autrefois administré. Rappelons d’abord, que si le périmètre de la francophonie englobe l’essentiel des anciennes colonies françaises du XIXe et du XXe siècles, elle est aussi présente dans les terres dites de la première colonisation, c’est à dire notamment, celles des Amériques qu’elle a découvertes, peuplées et administrées. Rappelons aussi, qu’au delà, nombreux sont les pays membres de la francophonie qui n’ont jamais été des possessions françaises mais qui ont bénéficié de notre influence, de notre éducation, de notre culture. Combien de peuples, de part le monde, doivent encore aujourd’hui leur émancipation à la part prépondérante que pris notre pays à la formation intellectuelle de ses élites? Cela aussi compte.
Par ailleurs, la francophonie n’est pas un fait néocolonial car, comme l’avait voulu le général de Gaulle, elle fut d’abord vécue comme nécessaire par ceux qui avaient reçu le français en apport, plus que par ceux qui l’avaient trouvé dans leur berceau. Boutros Boutros-Ghali se plaisait à dire que «la francophonie était née d’un désir ressenti hors de France».
Toujours est-il qu’aujourd’hui la francophonie est, à bien des égards, une réalité.

Le français est la deuxième langue la plus apprise après l’Anglais.

Réalité humaine, car le français se trouve parlé par 274 millions de locuteurs de part le monde, ce qui en fait la cinquième langue la plus parlée dans le monde, mais aussi la deuxième langue la plus apprise après l’anglais.
Réalité géographique, car le français est réparti sur tous les continents. L’Europe et l’Afrique évidemment, mais aussi les Amériques avec le Québec bien évidemment qui mène, depuis tant de temps, une lutte admirable et tellement inégale face à l’hégémonie anglo-américaine ; sans oublier le reste des francophones hérités de l’Histoire au Canada, aux Etats-Unis et même, ceux qui en Amérique du Sud témoignent, par leur attachement à la langue française, d’une certaine idée de la France. Trop souvent oubliée, la francophonie, est aussi présente en Asie avec les Laos, la Thaïlande, le Cambodge et le Vietnam, mais c’est aussi notre porte d’entrée vers l’Inde où l’État de Pondichéry a gardé une fidélité inébranlable à la langue française et avec lequel tant de choses sont à créer.
Réalité politique aussi car l’Organisation internationale de la Francophonie regroupe aujourd’hui pas moins de 84 États. Grâce à eux, la langue francaise et sa culture représentent, pour la France, un outil formidable d’influence au service d’une diplomatie de la médiation et de l’échange, capable de créer des ponts entre les peuples.
Enfin, c’est une réalité dynamique. Face à une avenir qui devrait être marqué par les grands bouleversement démographiques, et notamment l’explosion du continent africain, l’espace francophone va être fortement influencé par ses évolutions en passant à près de 800 millions de locuteurs d’ici à 2050 soit près de 9% de la population mondiale, contre seulement 3,5 % aujourd’hui.

Le français sera demain la langue de la jeunesse

Ce chiffre doit nous interpeller car il dit beaucoup des enjeux à venir. Il dit d’abord que la francophonie est naturellement portée par une dynamique, qu’elle sera demain la langue de la jeunesse, mais aussi de son développement car nous ne pourront faire l’impasse d’un développement économique et technologique de l’Afrique, et, par là même de l’Afrique francophone. C’est un enjeu humain, politique et économique essentiel pour l’humanité et nul ne comprendrait que la francophonie ne soit pas au premier rang de ceux qui l’ont compris.
C’est aussi un enjeu en terme de sécurité, de stabilité, et de gestion des flux migratoires. Seul un développement raisonné de cette partie là du monde évitera demain que ceux qui sont nés au sud de la Méditerranée ne tentent leur vie pour traverser ce bras de mer afin de rejoindre le nord où les conditions matérielles de vie y sont évidemment bien meilleures. Au delà, la grande majorité des pays du pourtour méditerranéen africain ou asiatique sont des membres de l’organisation internationale de la francophonie, certains en sont même des piliers et la francophonie est, là aussi, appelée à jouer un rôle dans la compréhension, l’accompagnement et la résolution de la problématique des déplacés en Méditerranée.
La francophonie est encore un enjeu économique car, outre d’être la 3ème langue d’affaires de part le monde, elle offre la perspective de débouchés multiples et d’échanges avec nombre d’espaces. En 2050, rappelons que l’espace francophone représentera un vaste marché, une fois et demi plus peuplé que l’Union Européenne et porteur de besoins immenses. La dynamique dont bénéficie aujourd’hui l’enseignement du français en Chine, troisième langue la plus enseignée du pays, témoigne de l’intérêt économique du français pour ceux qui se lancent aujourd’hui à l’assaut du marché mondial et notamment africain.
Cette dynamique existe et c’est là un point essentiel. Encore convient-il de la faire vivre, de l’accompagner, de lui donner toute sa place dans nos politiques publiques. Pour cela, la France des cinq prochaines années doit relever le double-défi de croire en la francophonie et de se doter d’un programme ambitieux au service de celle-ci. Croire en la francophonie, cela signifie en percevoir toutes les composantes, et par là même toutes les perspectives quant à l’avenir ; se doter d’un programme ambitieux au service de celle-ci, cela exige témoigner d’une volonté forte, et la traduire par des actes concrets.
Dans ce dernier domaine trois axes apparaissent comme particulièrement nécessaires à notre temps.

Une attention doit être portée à la formation de la jeunesse et des élites dans les pays où le français, langue officielle, n’est pas la langue principale d’usage des populations.

Le premier consiste à promouvoir, de part le monde, les capacités d’enseignement de la langue française. Cela suppose d’entretenir et de développer l’important réseau d’enseignement du français de part le monde, les alliances françaises et l’ensemble des structures qui concourent à son attractivité. La diffusion de la langue, l’enseignement de la culture, sont des enjeux essentiels si nous ne voulons pas que la dynamique naturelle et démographique ne soit freinée, voire annulée, par le phénomène de globalisation particulièrement à l’œuvre en matière d’enseignement et d’usage de la langue. Cela suppose notamment un effort dans les pays où le français n’est pas la langue officielle mais où son enseignement est recherché et apprécié. Cela signifie aussi de multiplier les échanges et les initiatives dans les pays où le français se trouve, comme langue officielle, en concurrence avec d’autres langues, afin d’en maintenir l’attractivité. Enfin, cela veut dire qu’une attention toute spécifique doit être portée à la formation de la jeunesse et des élites de demain dans les pays où le français, langue officielle, n’est pas la langue principale d’usage des populations.
Le second enjeu de la francophonie de demain est politique, il concerne la réorganisation, la réorientation et le sens à donner à l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Celle-ci est aujourd’hui devenue l’inverse de ce qu’elle aurait dû être. Vaste organisation où se mélangent parfois pays francophones, pays francophiles et pays en mal de reconnaissance internationale, l’OIF s’est transformée en un fournisseur d’événements, de fêtes et de réjouissances, bien plus qu’un lieu de rencontre des volontés, d’échanges culturels et de diplomatie. Avec l’arrivée de Mme. Michaëlle Jean à la tête de son Secrétariat Général, l’OIF est en outre devenue le promoteur de valeurs qui, si elles présentent incontestablement un intérêt ne sont ni l’apanage ni le sens de la francophonie. Cette tendance n’a eu de cesse de se renforcer jusqu’au dernier Sommet de la Francophonie à Madagascar. Elle mène, sous l’impulsion de Justin Trudeau, le Premier Ministre fédéraliste Canadien qui s’est beaucoup investi dans ce champ diplomatique, une politique d’affirmation des communautarismes au point d’aboutir, ce n’est pas le moindre des paradoxes, à la promotion d’une société aux stéréotypes et aux valeurs profondément anglo-saxons. Face à cela, la France doit réinvestir l’Organisation internationale de la Francophonie, en faire un outil au service de la promotion des valeurs culturelles, philosophiques et politiques portées par la langue et la culture françaises, lesquelles ont été reçues en partage par tous les peuples de la communauté francophone.

Le français doit redevenir une langue ancrée dans son monde, une langue d’avenir, une langue de création, d’invention et d’innovation.

Mais cela ne suffit pas. Pour être vivant, le français doit redevenir une langue ancrée dans son monde, une langue d’avenir, une langue de création, d’invention et d’innovation. Une langue qui ne crée plus, une langue dans laquelle ne se pensent plus les concepts et les idées du monde de demain est une langue appelée à mourir. Le troisième axe d’une politique en faveur de la francophonie, le dernier et sans doute le plus important, est donc de prendre conscience que, pour demeurer, la francophonie ne peut se contenter de résister, elle doit investir le monde à venir. Cela passe par une politique universitaire résolument plus francophile, par un soutien aux publications scientifiques et techniques en français, par des accords internationaux d’échanges, par une renégociation des traités internationaux sur les brevets, par la promotion du français comme langue scientifique et culturelle, par le développement de la politique actuelle en faveur de l’audiovisuel et du cinéma francophones… Cela passe aussi par une prise de conscience, malgré l’égalitarisme ambiant, d’une composante éminemment élitiste d’une telle politique car la création et l’innovation sont d’abord le fait des élites techniques, scientifiques, culturelles et économiques.
Mais avant de convaincre ces élites de faire, de nouveau, confiance à la langue française et aux valeurs de la francophonie, encore conviendrait-il que nos propres élites politiques soient, elles aussi, prêtes à croire en elles. C’est tout le défi qui attend le nouveau Président de la République Française. A travers sa volonté de le relever ou non, se révélera incontestablement une partie de ce que sera en réalité sa présidence.

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