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Assemblée générale Internationale 2018

par Christian OLIVE

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ASSEMBLEE GENERALE DE LA RENAISSANCE FRANCAISE
DU 14 JUIN 2018

L’Assemblée générale de La Renaissance Française s’est tenue le jeudi 14 juin 2018, dans les locaux de la Société Nationale d’Entraide de la Médaille Militaire, 36 rue de la Bienfaisance – Paris 8° – sous la présidence internationale de Denis Fadda qui, avec le Secrétaire général Christian Olive, a accueilli chaleureusement l’ensemble des participants
Après l’adoption de l’ordre du jour et du compte rendu de l’Assemblée générale du 8 juin 2017, le Président international Denis Fadda a fait approuver à l’unanimité le rapport moral dans lequel il a souligné le développement remarquable de l’Institution avec la forte progression des projets en cours et du nombre de délégations tant en France que hors de France (Hongrie, Japon, Canada (Ottawa), Vietnam, Allemagne (Sarre), Poitou-Charentes, PACA-est (Nice) etc.).
Le rapport financier, présenté par le Trésorier général, Gérald Collardé, fait état d’un équilibre satisfaisant, appelant cependant à un effort de recrutement des adhérents.
La Commission supérieure des distinctions, présidée par Jacques Lamas, demande aux présidents des délégations de porter un effort particulier sur l’identification indispensable de personnalités à mettre au premier plan.
La cérémonie des remises de distinctions, toujours émouvante, a permis de mettre en lumière trois personnalités exceptionnelles :

• M. Gérard Fesch, Musicien, écrivain, auteur d’un ouvrage sur le destin tragique de son père.

DISCOURS DE REMISE DE LA MEDAILLE DE BRONZE DU RAYONNEMENT CULTUREL A GERARD FESCH par Denis Fadda
Monsieur,
Je me suis intéressé à votre vie, j’ai lu tout ce que vous avez écrit, et notamment votre dernier ouvrage paru en 2017 ; j’ai été bouleversé.
Est-il possible de souffrir autant que vous avez souffert dans votre enfance ?
Est-il possible que des adultes essaient si peu de comprendre l’âme d’un être à peine entré dans la vie ?
Vos écrits, sont d’une extrême importance car ils mettent au jour, mieux que bien d’autres, ce que peuvent ressentir les enfants auxquels on ne porte aucune attention.
Vos livres ne sont pas à proprement parler des témoignages ; ils sont écrits avec pudeur, sans plaintes, dans un beau style. C’est de la vraie littérature. Le malheur est que ce qui est écrit a été vécu.
Cette enfance et cette adolescence passées dans une sorte de solitude, dans l’indifférence voire la dureté, la méchanceté des adultes aurait pu vous faire prendre de mauvais chemins. Il n’en a rien été. Votre vie constitue une remarquable réussite.
Musicien, trompettiste, vous accompagnez quelques uns des artistes les plus connus de la chanson française, dont Charles Trénet et Serge Lamas, vous enregistrez, en l’Eglise Saint-Sulpice, un récital pour trompette et orgue, vous créez un conte musical pour enfants qui est présenté au théâtre du Splendid et diffusé sur TF1 et France3. Vous recevez de la Confédération Musicale de France un Premier prix de trompette.
Votre passion pour cet instrument est née très tôt. Vous ignoriez alors que le père que vous n’avez jamais connu était lui-même un trompettiste. Le mystère de cette transmission soulève chez vous bien des interrogations. Vous dites, en tout cas, que la pratique de cet art a été pour vous salvatrice.
Professeur d’Education musicale,vous enseignez la formation musicale et le chant dans des écoles et des conservatoires de musique, vous êtes directeur de plusieurs établissements artistiques (écoles de musique ou conservatoires), vous dirigez aussi de nombreux orchestres d’harmonie.
Vous êtes le fils de Jacques Fesch, guillotiné en 1957 et appartenant à une famille qui compte parmi ses ascendants le Cardinal Joseph Fesch, frère de Laetitia Bonaparte, Archevêque de Lyon, Primat des Gaules, Ambassadeur à Rome .
Enfant de l’Assistance publique vous n’avez pas le droit de connaître vos parents. Il vous faudra la persévérance dont vous êtes capable et des décennies pour connaître le nom de votre père dont vous apprendrez la rédemption spectaculaire en prison ; rédemption connue par les livres qu’il a écrits et par de bouleversants témoignages, au point qu’un procès en béatification est depuis plusieurs années en cours. De votre côté, devant les juridictions françaises vous vous battez avec acharnement pour obtenir la réhabilitation de celui qui, de façon poignante, a hurlé l’amour qu’il avait pour vous, alors même qu’il ne vous connaissait pas.
Pendant plus de cinquante ans vous serez hanté par ces questions : qui sont mes parents ? Où sont-ils ? Les adultes vous traitent mal ; bien rarement ils vous désignent par votre prénom, souvent ils vous appellent par votre matricule. Pour eux, portant la « tache » de l’Assistance publique, vous ne pouvez être qu’un mauvais garçon, donc un garçon qu’il faut « redresser ». Un seul être vous a donné de l’affection, c’est « Maman Marie ». Vous êtes littéralement arraché à elle, sans explications, à l’âge de cinq ans. Vous ne connaissez ni son nom de famille, ni le lieu où vous avez vécu avec elle. Là encore il vous faut des décennies pour la retrouver. Elle vous attend. Elle décédera dans les jours qui suivront vos retrouvailles.
Vos écrits nous parlent avec talent de ce qu’ont été votre enfance et votre adolescence, comme – sans doute – celles de bien des enfants qui se sont trouvés dans une situation comparable à la vôtre. Ils nous éclairent sur la douleur que peuvent ressentir des êtres privés du droit de connaître leurs parents, du droit de connaître leurs origines. Ce peut être la douleur d’une vie.
Ils nous éclairent aussi sur la dureté dont peuvent faire preuve les adultes vis à vis du monde de l’enfance, vis à vis de l’enfant. Si souvent, ils n’essaient pas de comprendre ! et moins ils se donnent ce mal, plus le fossé se creuse entre eux et l’être dont ils ont la responsabilité.
Avec vos livres, avec l’action que vous avez menée et continuez de mener, avec conviction, vous rendez grandement service à la société, vous oeuvrez pour une société plus juste ; avec le courage et la persévérance remarquables dont vous témoignez vous représentez un exemple.
Vous méritiez vraiment la distinction qui va vous être maintenant remise.

• M. Pierre Caradot, merveilleux luthier qui perpétue remarquablement une grande tradition,

DISCOURS DE REMISE DE LA MEDAILLE D’OR DU RAYONNEMENT CULTUREL A PIERRE CARADOT par DENIS FADDA
Monsieur,
Lors du deuxième « jeudi parisien de La Renaissance Française », vous nous avez enchantés, je dirais même subjugués. Non seulement votre conférence était d’une grande richesse mais il y avait dans votre propos la passion – la passion pour votre art – cette étincelle qui place les êtres si hauts, qui leur évite la petitesse.
Mais ce n’est pas, bien sûr, ce qui vous vaut d’être ici aujourd’hui pour recevoir la distinction qui vous a été attribuée.
Vous êtes luthier – et l’un des plus grands – vous êtes entré dans cet art et dans ce métier, alors que vous aviez 15 ans, en étant admis à l’Ecole Nationale de Lutherie de Mirecourt, école unique en France, école exigeante à laquelle il est bien difficile d’accéder.
Vous y avez été admis parce que, dès cet âge, vous connaissiez parfaitement votre voie, et vous l’avez suivie en faisant tous les sacrifices nécessaires ; en y mettant la persévérance sans laquelle rien n’est possible, et toute la force de votre travail.
Bergson a écrit : « L’homme devrait passer autant de temps à simplifier sa vie qu’il n’en a mis à la compliquer ».
Ceci ne vaut vraiment pas pour vous ; vous n’avez eu aucunement besoin de simplifier votre vie. Pas de tâtonnements. A 15 ans vos choix étaient faits.Tout était dit.

Au sortir de l’Ecole, vous poursuivez votre formation chez différents Maîtres à Besançon, Paris et Aix-en-Provence avant d’entrer chez Etienne Vatelot comme assistant. Vous n’avez que 20 ans ! En prononçant le nom de Vatelot j’ai dit le nom du plus grand luthier de notre époque. Et c’est pourtant lui qui vous prend comme assistant alors que vous ne faites que débuter dans la vie.
Et il est si satisfait de vous que, trois ans plus tard, déjà, vous êtes chef d’atelier, ayant la responsabilité de la qualité des travaux exécutés, collaborant étroitement avec le grand Maître à la mise en œuvre des restaurations et vous confrontant directement aux musiciens et à leurs exigences. Etienne Vatelot, homme généreux et charismatique, était l’ami des plus grands musiciens de la planète, ce qui vous a valu d’avoir entre vos mains les plus beaux instruments jamais fabriqués pour les régler, les réparer, les étudier, les préserver, les vivifier. Parallèlement, vous construisez violons, altos et violoncelles souvent en explorant des pistes personnelles.
Quinze ans plus tard, vous vous associez à Philippe Dupuy et Christophe Schaeffer, luthiers et archetiers renommés ; par la suite, vous succédez à Philippe Dupuy, dernier descendant d’une lignée de luthiers et archetiers qui remonte à 1649. Et vous dites combien, vous êtes heureux chaque jour de retrouver, en votre atelier, vos outils et vos bois.
Conférencier, membre de différents jurys de musique ou de lutherie, chercheur en histoire de la lutherie et en histoire des techniques et passionné par les possibilités qu’offrent les nouvelles technologies, vous signez des articles et participez à l’édition d’ouvrages collectifs dont le merveilleux « Nicolas Lupot » paru il y a quelques mois seulement.
Vous voulez faire mieux connaître ce métier extraordinaire qu’est celui de luthier afin de transmettre et de contribuer à perpétuer une tradition française de grande qualité.
Vous aimez d’ailleurs à rappeler que « si le violon est une invention du génie italien du XVIème siècle, porté au sommet de l’Art par Antonio Stradivari – Stradivarius – au début du XVIIIème, le talent français a pris le relais au XIXème en établissant des techniques magistrales, non seulement dans la construction d’instruments (inspirés des grands luthiers classiques) mais aussi, et surtout, dans la restauration des chefs-d’oeuvre du passé ». Et vous ajoutez, « Ainsi ces merveilleux violons crémonais, ou encore ces extraordinaires violoncelles vénitiens ont traversé le temps et à nos oreilles parviennent, intemporelles, leurs sonorités exceptionnelles ».
Vous vous employez à être un disciple digne de votre Maître : « Fidèlement, je m’emploie à poursuivre ce chemin : celui de conserver à la lutherie française sa très haute réputation, tant dans la restauration que dans la construction des instruments du quatuor ». « Je poursuis ce chemin humblement et passionnément » dites-vous.
A l’exigence de la qualité vous associez celle de la transmission : « Je souhaite transmettre à mes jeunes collaborateurs, certes une technique irréprochable, mais au-delà, un état d’esprit ».
La Renaissance Française aime lire et entendre cette phrase de vous : « la lutherie sert la Musique qui n’a pas de frontières, et qui œuvre à l’épanouissement des Hommes » ; elle y souscrit totalement.
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Vous portez votre art au plus haut niveau, vous êtes dans une perpétuelle recherche du meilleur, vous vous attachez à transmettre ; c’est pour cela que notre institution qui attache une si grande importance à l’art, aux métiers d’art, aux patrimoines, à la transmission vous a accordé la Médaille d’or du Rayonnement culturel.


• Le Professeur Jürgen Ritte, professeur à l’Université de la Sorbonne nouvelle, auteur de nombreux travaux, traducteur, grand spécialiste de l’oeuvre de Proust

DISCOURS DE REMISE DE LA MEDAILLE D’OR DE LA RENAISSANCE FRANCAISE AU PROFESSEUR JURGEN RITTE par Denis Fadda

A travers l’oeuvre et la vie du Professeur Jürgen Ritte que nous honorons aujourd’hui, ce sont les liens ténus entre la France et l’Allemagne que nous célébrons.
En effet, Monsieur le Professeur, votre oeuvre est emblématique de la fécondité de la rencontre entre deux cultures . Nous pouvons évoquer à travers vous la spirale franco-allemande, plus que la sphère, tant cette relation a initié de dynamiques qui donnent à votre œuvre sa richesse, sa singularité et sa cohérence.
Essayiste, traducteur, professeur des universités ; depuis quelques années vous êtes professeur de littérature allemande et d’études interculturelles à la Sorbonne nouvelle, après avoir enseigné, notamment, rue d’Ulm. Vous êtes né à Cologne et vous avez suivi des études autant en France qu’en Allemagne ; vous avez aussi passé quelque temps à Naples, à l’Orientale.

Je distinguerai deux axes dans votre grande et belle carrière au service de la littérature :
Tout d’abord, celui de la traduction : en effet, vous êtes d’abord un grand traducteur, et j ‘ajoute l’adjectif qui change tout : un traducteur littéraire . A la Renaissance française, nous sommes très sensibles à la question de la traduction car elle favorise tout ce qui peut permettre la compréhension et la rencontre entre les êtres et leurs cultures, mais la traduction littéraire que vous pratiquez dans les deux sens – ce qui est rare – du français vers l’allemand et de l’ allemand vers le français, constitue un défi majeur : il s’agit non seulement de passer d’une langue à une autre, mais de transcrire la langue particulière créée par un écrivain pour en retrouver l’esprit et la lettre. C’est donc pleinement un travail de création, à la fois passionnant et périlleux, et qui soulève des enjeux autant éthiques qu’esthétiques.
Exercice périlleux, ai-je dit, ce qui n’est pas un vain mot car vous ne choisissez pas les œuvres les plus faciles à traduire; vous vous êtes en effet beaucoup intéressé à la littérature oulipienne, à ces auteurs dont la langue est à la fois le sujet et l’objet de l’écriture et dont les représentants les plus célèbres sont Raymond Queneau et Georges Perec. Cette littérature joyeuse et ludique interroge avec malice le fonctionnement de la langue. C’est ainsi que Perec a écrit son fameux roman « La disparition » dans lequel a disparu … la lettre E.
Vous avez obtenu en 2013 le prix Eugen-Helmlé, l’un des prix les plus prestigieux dans le domaine de la traduction littéraire, et qui s’intéresse à toutes les formes de la modernité littéraire.
Vous avez traduit en français l’écrivain germano-roumain Oskar Pastior dont les titres montrent l’originalité de la recherche littéraire : Règles du jeu, Ulcérations et Translations ; nous pensons inévitablement à la fameuse trilogie de Michel Leiris «La Règle du jeu» déclinée dans Biffures, Fourbis et Fibrilles ..
Dans l’autre sens,vous avez traduit en allemand de grands auteurs du XXème siècle comme Joseph Delteil, Pierre Mac Orlan, Patrick Deville,Olivier Rollin, Marcel Bénabou, Hervé Le Tellier et Paul Morand.
Le deuxième axe de votre vie et de votre œuvre est celui de la lecture, dans son sens le plus noble : lire, déchiffrer,éclairer, donner à lire, apprendre à lire, ce que vous faites si généreusement avec vos étudiants, avec un auteur de prédilection qui est Marcel Proust. Marcel Proust qui donnait aux serviteurs de l’art autant de valeur qu’aux créateurs eux-mêmes, et qui a formulé une des plus belles définitions de la littérature : « La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent pleinement vécue, c’est la littérature».
Vous avez écrit un ouvrage sur la correspondance de Proust en édition bilingue avec une sélection de 600 lettres, ouvrage dont le titre est très touchant et dit tant en peu de mots : «  Cher ami …….Votre Marcel Proust ». N’y a-t-il pas autant de Proust qu’il y a de lecteurs de Marcel Proust ? Vous avez aussi édité en Allemagne l’admirable essai de Proust « Sur la lecture ».
Je ne peux énumérer tous les essais littéraires que vous avez publiés ni les innombrables articles, collaborations à des ouvrages collectifs, contributions à des colloques dont vous êtes l’organisateur ou l’acteur infatigable.
C’est donc avec une joie profonde que je remets à celui qui honore si bien ce vocable d’homme de lettres, la Médaille d’or de La Renaissance Française.

Enfin, le cocktail de clôture, très convivial, qui a suivi, a donné une belle occasion de resserrer les liens entre les délégations ainsi qu’entre les membres et d’évoquer de nombreux projets à réaliser.
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Crédit photo Flore Chapelle

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