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Bicentenaire de la mort de Napoléon 1er et hommage au protecteur de la langue française

par La Renaissance Française

Par PHILIPPE LAMARQUE, historien
Dans son rayonnement universel, la langue française doit beaucoup au personnage. A sa manière, La Renaissance Française doit assumer une partie de cet héritage culturel. Rendre à César ce qui est à César oblige chacun d’entre nous, par-delà les diverses opinions que nous pouvons adopter dans la perspective de deux siècles révolus, à reconnaître ce que nous devons à l’une des plus grandes figures des vingt-cinq derniers siècles, depuis Pythagore.
Qu’on le qualifie d’ogre corse, d’usurpateur, de Robespierre botté, de Little Boney, ou que l’on préfère l’hagiographie à la mode de Victor Hugo, s’il y a bien une certitude, c’est que le sujet ne laisse personne indifférent. Même ceux qui tenteraient l’exercice de style impossible de l’objectivité ne peuvent pas faire l’impasse sur ce monument incontournable.

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Lors des cérémonies bien modestes qui viennent d’avoir lieu sous le dôme de la basilique Saint-Louis des Invalides, fraîchement transformée en cathédrale des armées hors du droit canonique de l’incardination, l’Esprit a soufflé malgré les consignes officielles de modération et de relativisme.
Fidèle à sa légende d’orateur hors-pair, émaillant son discours de traits d’esprits impérissables et toujours surprenant, sachant séduire son auditoire avec un art consommé de la rhétorique, le maître Jean Tulard a rappelé plusieurs évidences trop souvent escamotées.
En revanche, lorsque le chef de l’Etat parle du palimpseste de notre histoire, on se demande ce qu’il faut regratter pour y réécrire un mythe attendant encore son trouvère des révisions.
Jusque dans son ombre portée, l’immense stature du défunt interroge encore ceux qui sont censés lui succéder à la tête d’une nation souveraine. Certes, le désastre de 1815 laisse un pays exsangue encore plus faible qu’à la chute de la royauté, mais l’aura culturelle véhiculée par la langue française reste la mission majeure de notre Renaissance Française, ce qui nous épargne la lourde responsabilité des jugements, toujours trop hâtifs malgré les deux siècles écoulés.
On peut gloser à propos des institutions fondées par Napoléon, comme le droit positif, normatif et codifié, le Conseil d’État, l’ordre impérial viager et les titres héréditaires, l’université, le lycée, le cadastre, les départements avec leurs préfets, la conscription de la loi Jourdan.
Plusieurs sont arrivées jusqu’à nos jours dans des conditions qui peuvent laisser perplexe. Certaines ont enflé jusqu’à la démesure et l’ϋϐρις d’autres se sont ridiculisées et ont sombré dans l’odieux, d’autres enfin ont tellement perdu de leur substance qu’elles ne signifient plus rien.
Quiconque relirait de nos jours le Code Napoléon dans son édition originale éprouverait certaines surprises, y compris en dénichant son seul adjectif « sacrée » puisque telle serait la propriété, illusion dissipée par les expropriations. D’inimaginables tribulations se sont abattues sur les concordats passés avec les chefs spirituels des trois religions présentes dans l’Empire autrefois. Certaines institutions, fort heureusement, surent maintenir l’ordre et la paix sociales avec plus ou moins d’aggiornamento.

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La mode étant de nos jours à la critique partisane, quelques historiens en mal de notoriété s’empressent de souligner l’immense gâchis des tueries des guerres de la Révolution et de l’Empire, se réjouissent du squelette du cheval lévitant au-dessus du tombeau sous le dôme des Invalides.
Pour ceux auxquels cela n’aurait pas sauté aux yeux, nous avons une parfaite illustration d’un des quatre cavaliers de l’Apocalypse. Qu’on le veuille ou non, que l’on soit un adversaire, un partisan ou un amateur d’érudition aussi neutre que possible, nous avons une chance immense, celle de voir encore et surtout aujourd’hui la mémoire napoléonienne faire vivre des temps apocalyptiques et puiser son scenario dans la Bible.
Quel privilège terrible. Nous vivons simultanément le Livre de Juges avec les commentaires médiatiques, le Livre des rois parce que chaque chef de l’État dans notre pays se trouve un jour ou l’autre confronté aux précédents napoléoniens, le Livre de l’exode avec les grands mouvements de population actuels. Il y a même le Buisson ardent avec l’incendie de Notre-Dame.
Les temps que nous vivons remettent en question des certitudes que l’on pensait acquises, jusque dans la perception de l’espace-temps. Le mortel érigé en idole par Victor Hugo, décédé sur son rocher de l’Atlantique Sud, interroge encore l’éternité, surtout depuis qu’une faction très organisée tente de le gommer des mémoires et des programmes scolaires.
Les plus outranciers vont jusqu’à comparer l’empereur à celui qui ordonna de somptueuses cérémonies en 1941 aux Invalides, conformes au protocole en vigueur pour un général de l’armée allemande, l’aiglon ayant été général autrichien et la Bundesheer autrichienne amalgamée à la Wehrmacht en 1938.
Par bonheur, notre Renaissance Française reste intraitable en matière de statuts : nos grands anciens disposèrent dès 1916 de notre caractère apolitique, laïc, désintéressé, sanctionné par le décret d’utilité public de 1924. Nous pouvons donc Sans Souci, dirait Frédéric le Grand, qui parlait mieux le français que l’allemand, l’ami de Voltaire, assumer l’universalité de la langue française. Puis, le Discours de Rivarol reçut les lauriers de l’Académie de Berlin en 1786.
Nous nous empressons de reconnaître en Napoléon l’homme qui porta par le fer, le feu, le sang, mais aussi les lois, la langue française jusqu’au Caire, à Madrid, à Moscou, puis par la force du destin jusque dans cet îlot austral perdu.
Nous nous inclinons devant l’œuvre littéraire d’un grand artiste épistolaire, plus prolifique que Madame de Sévigné, capable de dicter sept courriers à la fois. Nous nous remémorons les citations les plus flamboyantes extraites du Souper de Beaucaire, nous allons même jusqu’à croire l’historiographie complaisante qui nous livre « à l’ombre des pyramides, quarante siècles nous contemplent », même si nous admettons plus aisément l’authenticité de : « les ânes et les savants au milieu du carré d’infanterie ».
Nous éviterons pour des questions de neutralité apolitique de commenter « j’assume tout, de Clovis au Comité de Salut public ». Mais si Marc Bloch a pu associer le sacre de Reims et la Fête de la Fédération, nous ne pouvons que regretter que cet historien n’ait pas vibré à « vous pourrez dire : j’étais à Austerlitz ».
En 1808 à Erfurt, il s’entretint avec Goethe en français : la rencontre de ces deux génies fut aussi celle de la modestie, chacun rendant à l’autre le tribut qui lui était dû.
Nous devons à Napoléon d’avoir protégé encore un siècle l’usage international du français dans les traités diplomatiques. En revanche, les accès de colère emploient d’autres langues : « comediante, tragediante » ; ce précurseur apprit même l’anglais pendant son exil. Nous rendons hommage à celui qui continue à représenter tant de symboles, à commencer par la langue française.

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Philippe Lamarque, historien et auteur prolifique

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Essayiste et historien francophone né en 1958. Docteur en théologie, docteur en droit, docteur en histoire et philologie, chevalier de l’Ordre National du Mérite, officier des Palmes académiques, chevalier des Arts et Lettres, médaille des Services militaires volontaires, médaille d’argent de la Jeunesse et des Sports, commandeur dans l’Ordre du mérite du Sénégal, administrateur de La Renaissance Française, Philippe Lamarque est l’auteur de 40 livres, dont certains ont été publiés jusqu’en sept langues, et de plusieurs centaines d’articles de presse ou de notices encyclopédiques chez Larousse.
Il est l’auteur de plusieurs ouvrages aux éditions du Gui dont deux ont été primés : “L’héraldique Napoléonienne” lauréat en 2000 de l’Académie française (médaille de Vermeil) et, avec Claire Constans, “Les salles des Croisades du château de Versailles”, lauréat en 2004 du Prix Henri Texier II de l’Académie des Sciences morales et politiques[/bloc_couleur3]

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