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Hommage à l’un des Maîtres de la poésie française, Christian Bobin

par La Renaissance Française

Ce qui parle à notre
cœur-enfant est qu’il
y a de plus profond.
J’essaie d’aller par
là. J’essaie seulement.

À l’annonce de la triste nouvelle du décès de Christian Bobin, quelle coïncidance, par la même personne qui nous l’a fait découvrir il y a plus de quinze ans, notre esprit a refait un parcours dans ce passé récent, quand nous avons été emportés dès la première lecture de son œuvre originale à cause de son opposition entre le langage poétique et le langage pratique, soit entre cette parfaite correspondance baudelairienne entre le monde imaginaire et la réalité quotidienne conçus par nous, lecteurs.
C’était un soir automnale de 2009, quand notre ami, Christian Thimonnier, alors Consul de France et Directeur de l’Institut Français à Thessalonique, sachant notre penchant pour la poésie, nous a offert quelques livres à lire, dont La plus que vive et L’Enchantement simple et autres textes de Christian Bobin.
Le premier, nous l’avons lu d’un coup, un matin hivernal, dans un parc de Bologne, en attendant le taxi qui nous conduirait à l’aéroport pour rentrer, après un bref séjour pour des raisons professionnelles ; le second, nous l’avons lu, une fois rentrés, épris de son style abordant le thème de l’enfance, de la mélancolie et de l’absence, voguant entre l’essai autobiographique et la poésie qui cherchait une vérité convaincante, au moyen d’une forme de brièveté solide et profonde, sous un style côtoyant le quotidien et le réel.
Ayant retenu parmi ses textes poétiques, son recueil Le Colporteur, nous avons décidé de le traduire en grec et de le publier en version bilingue, en 2014, comme fascicule tiré à part du n° 34 de la revue grecque Eneken de Thessalonique.
Les raisons de ce choix fut tout d’abord son titre, étant une belle allégorie de l’auteur-lecteur, de ce « rêveur de grands chemins », qui est non seulement le thème de ce dense et bref texte, mais aussi parce qu’ au moyen de ses vers, Christian Bobin poursuit sa transparente méditation sur le mystère du quotidien par la lecture. Il tient à nous faire révéler le sens de ses propos, qui est toujours polyvalent. C’est pourquoi que le moi poétique se plaît à s’auto-présenter comme la personne qui incarne l’amour de la lecture afin que cet acte, féconde un lien mutuel, entre le texte et le lecteur, en vue de créer une expérience esthétique sur une inter-subjectivité.
Avides de connaître son œuvre nous avons entrepris, dès la parution de Noireclaire, à traduire cette œuvre majeure, traduction publiée dans la collection « Littérature francophone – Poésie 1» aux éditions Grigoris, à Athènes, 2017. Christian Bobin nous encourageant toujours de la faire connaître au public grec, parce que ce recueil, alors qu’il est l’éloge de la tristesse causée par l’absence de la personne aimée, il est finalement un aveu bien fort et optimiste des difficultés de la vie, parce que chaque phrase, chaque image décrite de ce journal de souvenirs amers d’un amour heureux, devient une idée emblématique, par la force des intervalles salvateurs, lesquels rendent à la fin son texte, un hymne à l’amour vécu, un adieu à un passé heureux, hélas insurmontable.
Nous avons donc voulu rendre tout le charme de ce recueil, soit d’exprimer sa façon de dire l’insignifiant du quotidien, de présenter la grandeur de la nature, de montrer l’inéluctable de la mort, de communiquer la douleur du deuil inconsolable, travaillant avec acharnement pendant deux ans. Nous sommes parvenus à rendre au mieux en langue grecque, sa narration poétique sans grandiloquence, sans fioritures, projetant juste la simplicité comme l’apanage du grandiose, puisque lire, comprendre et traduire Bobin, est avant tout de faire de belles rencontres emplies de sens, de miel et de vie, son œuvre étant un émerveillement de sensations.

Car chaque œuvre de Bobin, quelle que soit sa forme, est un vrai acte, un engagement de confiance à la vie, peu importe si la mort rode au tour d’elle. Surtout dans Noireclaire, où chaque mot révèle au lecteur, dans sa simplicité et sa justesse, la vérité sur la nécessité de contempler la nature qui bouillonne autour de nous et de ne pas l’ignorer.
Notre contact avec l’œuvre de Bobin se terminera bientôt, avec la publication de la traduction en grec, de son œuvre, Un bruit de berceau, qui paraîtra cette année, non pas en version bilingue comme les deux précédentes, édition que le poète attendait comme un enfant attend son jouet … Nous avons choisi à traduire ce recueil parce que c’est un travail où le poète expose son dévouement à la nature, aux animaux, à la musique, à l’écriture, à la légèreté de l’existence, convictions que nous partageons et nous font adhérer complètement aux propos de l’auteur. Sous des métaphores et des allégories Bobin vise à ramener son lecteur aux émotions inondent son cœur d’enfant, aux petits plaisirs simples de la vie, soit il vise à faire passer sa propre vision de la réalité quotidienne. Cette succession de lettres qu’il pourrait envoyer à son père décédé, à l’escalier de la maison de son enfance, à un nuage -etc., est un moyen d’évoquer tout un tas d’instantanés plus ou moins liés entre eux, pour ne pas déranger le rêve que son écriture nous a toujours promis : l’innocence enfantine. D’ailleurs le fait que son livre commence par une belle calligraphie signifie que l’auteur nous parle directement au cœur et n’étonne personne, lui qui a toujours vécu dans la simplicité. Le lecteur n’est pas non plus surpris quand, dès les premières lignes, il s’aperçoit que Bobin se déclare contre « les tambours modernes » : les publicités bruyantes, le désenchantement, la raillerie, le nihilisme, pour mieux souligner indirectement que son but est orienté à la recherche de la bienveillance, de la grâce et de la beauté.
C’est ainsi qu’au moyen de la traduction, nous avons pu découvrir mieux la construction de sa pensée, l’emploi de ses motifs préférés, de constater comment ses arguments construisent son œuvre aussi bien poétique que prosaïque, comment il procède à convaincre son lecteur et à le charmer, soit de discerner ses mécanismes pour conclure que sa poésie bien qu’elle ait le charme lyrique, elle est avant tout philosophique avec un brin de surréalisme. Puisque les mots quotidiens utilisés et son récit à la première personne ou encore quand il s’adresse à un personnage, forment des idées à la fois légères et profondes, qui peuvent à la fois s’immiscer, effleurer notre âme et se modeler à nos souvenirs, et en même temps, percuter de plein fouet notre conscience et frapper d’évidence nos esprits ! Est-ce parce que Christian Bobin provient de la lignée des grands écrivains contemplatifs français ? Les études et les analyses sur son œuvre le démontreront. Ce qui est sûr est le fait qu’il a pu donner à ses textes l’allure d’un caractère religieux, utilisant souvent la forme du vers prosaïque, très près du verset, orientant sa prose poétique au recueillement et à la méditation, dissimulant bien sa foi chrétienne, qui bien qu’elle tienne une place importante dans ses écrits, la religion est loin d’être son seul sujet de prédilection.
Georges et Maria Freris


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Christian Bobin, prix de L’Académie française pour l’ensemble de son oeuvre

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Fils d’un père dessinateur et d’une mère calqueuse, tous deux employés à l’usine Schneider du Creusot, il est le dernier né d’une famille de trois enfants. Il passe son enfance en solitaire, préférant la compagnie des livres.
À propos de son enfance, il dit : « Je serais incapable de faire des récits d’enfance. Je me demande comment sont faits ces livres-là. Je me sens infirme devant ça. Et pour aggraver les choses, j’ai l’impression d’avoir une mémoire presque anéantie de tout ça. »
Attiré par l’écriture vers l’âge de 15 ans, il se lance dans des études de philosophie et se passionne pour les œuvres de Platon, Spinoza et Kierkegaard.

À 25 ans, il commence à écrire Lettre pourpre, un premier ouvrage qui sera publié en 1977 grâce à sa rencontre avec Laurent Debut, jeune fondateur des éditions Brandes.
Ne cherchant pas vraiment le succès, Christian Bobin continue à écrire, tout en enchaînant les petits boulots. Il est ainsi tour à tour bibliothécaire (bibliothèque municipale d’Autun), guide à l’écomusée du Creusot, rédacteur à la revue Milieux, élève infirmier en psychiatrie et professeur de philosophie.
Ses premiers textes, brefs et se situant entre l’essai et la poésie, sont publiés aux éditions Brandes, Paroles d’Aube, Le Temps qu’il fait, chez Théodore Balmoral, et surtout chez Fata Morgana (où il publie notamment Lettres d’or). À partir de la fin des années 1980, ses livres paraissent alternativement chez Fata Morgana et chez Gallimard, puis, en alternance avec Gallimard, aux éditions Lettres Vives et Le Temps qu’il fait.
En 1991, il connaît un premier succès littéraire avec Une petite robe de fête, ouvrage vendu à 270 000 exemplaires. L’année suivante, l’auteur toujours aussi discret fait sensation dans les librairies avec Le Très-Bas, livre consacré à saint François d’Assise, qui s’écoule à plus de 400 000 exemplaires et est salué par la critique (prix des Deux-Magots et Grand prix catholique de littérature en 1993).

En 1995, marqué par la mort prématurée de son amie de coeur (connue lors d’une soirée et déjà mère) Ghislaine Marion, Christian Bobin rend un hommage vibrant à la vie dans La plus que vive (1996), œuvre qui ne fait qu’accroître davantage son public. Il a partagé la vie de la poétesse Lydie Dattas, qu’il a épousée.
Malgré ces succès, il reste un auteur « amoureux du silence et des roses », fuyant les mondanités de la scène littéraire. « Ma vie, écrit-il dans Louise Amour, s’était passée dans les livres, loin du monde, et j’avais, sans le savoir, fait avec mes lectures ce que les oiseaux par instinct font avec les branches nues des arbres : ils les entaillent et les triturent jusqu’à en détacher une brindille bientôt nouée à d’autres pour composer leur nid. »
Il tient également une chronique intitulée Regard poétique dans le magazine mensuel Le Monde des religions.
En 2016, il reçoit le prix d’Académie de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre.
Ayant toujours vécu à l’écart du monde, il s’installait en 2005 dans une maison isolée à la lisière du bois du Petit Prodhun à Saint-Firmin (Saône-et-Loire), à une dizaine de kilomètres de son Creusot natal, avec sa compagne, la poétesse Lydie Dattas.
Le 23 novembre 2022, à Chalon-sur-Saône, Christian Bobin meurt à l’âge de 71 ans des suites d’une grave maladie. Il est inhumé au cimetière de Marciac (Gers).
Source : Wikipedia

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