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Il y a cent ans commençait la Grande Guerre

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Réfléchir au prix de la Paix ? Ou commémorer une boucherie ?

Le 1er août 2014, le jour et à l’heure précis où sonnait 100 ans plus tôt le tocsin annonçant la mobilisation générale, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, inaugurait l’exposition « Merci ».

Cette exposition présente 100 photos, de la taille de grands panneaux publicitaires, de part et d’autre d’une allée piétonnière qui va du Rond-Point des Champs-Elysées à la station de métro Champs-Elysées-Clémenceau. Le carton invitant à participer à cet évènement précisait : « Cette exposition, à travers 100 photos de femmes et d’hommes de la Grande Guerre, donne à réfléchir au prix de la paix ».
D’emblée, le visiteur est interpellé par les lignes suivantes du panneau qui introduit à la visite, à hauteur de la statue du Général de Gaulle : « 100 photos pour dire merci à 10 millions d’êtres humains qui ont fait don de leurs vies dans la plus grande boucherie de l’histoire ».

Voilà donc que l’introduction à cette exposition mémorielle proposée aux visiteurs de tous âges, de tous milieux, et de toutes origines, si nombreux en cet été 2014 sur « la plus belle avenue du monde », celle qui a vu défiler dans la liesse populaire nos soldats victorieux de 1918, puis de 1945, ne retient de la Première Guerre Mondiale que la boucherie !

Nos soldats seraient moins morts pour la Patrie, sur les champs de bataille, ils seraient moins les héros victorieux à qui nous devons notre liberté et la préservation de notre identité nationale que des victimes sacrifiés comme du bétail sur l’étal d’un boucher !

Certes, l’acception du mot « boucherie » pour qualifier un carnage ou un massacre a été de longue date popularisée, et nul ne conteste le caractère dramatiquement sanglant, et proprement inhumain de cette atroce guerre à propos de laquelle Lyautey s’écriait dès sa déclaration : « Ils sont complètement fous ! Une guerre entre Européens c’est une guerre civile. C’est la plus monumentale ânerie que le monde ait jamais faite ! »
Mais l’utilisation du terme « boucherie » pour ouvrir une exposition destinée, selon son titre, à dire merci à nos Poilus, et pour conduire nos concitoyens à « réfléchir au prix de la paix » me semble scandaleusement réductrice.
Elle me paraît surtout gravement perverse par la tendance mortifère qu’elle suggère qui tend à privilégier délibérément l’émotion et le particularisme au lieu de conduire à une réflexion responsable sur le bien commun et le vivre ensemble.

Réfléchir au prix de la paix, c’est pour moi d’abord rendre hommage au courage de tous les acteurs de la guerre qui ont rendu possible la paix dont nous jouissons, en refusant l’asservissement avec courage, sens du devoir, dévouement, et choix délibéré de sacrifier leur destin personnel à l’intérêt de la Nation.
Réfléchir au prix de la paix, c’est magnifier cet élan d’unité nationale, l’engagement de tout le Pays pour faire triompher ses valeurs multiséculaires, pour faire prévaloir la Vertu de Force sur la Violence, le Droit et la Liberté sur la soumission à une domination étrangère.

Réfléchir au prix de la paix, c’est mettre en œuvre tous les moyens de nature à développer dans notre Jeunesse ces mêmes valeurs d’engagement citoyen orienté vers la recherche courageuse de la paix comprise non comme une donnée acquise et stable, mais comme la fragile récompense d’une dynamique exigeante, sans cesse à mériter et à conquérir.

Alors que notre société déplore aujourd’hui les ravages causés par l’absence de repères largement admis, et par la prédominance de l’individualisme égoïste et consumériste, il est éminemment regrettable qu’une telle exposition mette en exergue la « boucherie » et focalise l’attention du visiteur sur le prix des combats, certes lourdement cruel, plutôt que sur le sens de ce prix : la Victoire de toute une Nation face à l’envahisseur.

Ce n’est plus à une guerre mondiale au sens de celle de 14-18 que nous sommes aujourd’hui confrontés, mais à une crise mondialisée et profonde. Sachons y faire face avec le même courage que nos Anciens en combattant cette forme moderne de « boucherie » que sont le chômage de masse, la précarité, le repli communautaire sur soi, par une véritable vision mobilisatrice de l’avenir national que nous voulons, un avenir qui donne sens aux inévitables sacrifices, notamment économiques individuels et collectifs, que chacun doit savoir consentir au service de l’intérêt général et du bien commun.

Proposer une telle vision d’avenir, et savoir donner du sens aux sacrifices de toute nature qu’exige la recherche déterminée de la paix, telle est l’essence même du message que devrait promouvoir une telle exposition. Souhaitons que ce message soit au cœur des prochaines manifestations mémorielles parrainées par le Comité du Centenaire, de sorte que le visiteur en sorte, certes ému, mais surtout déterminé à jouer son rôle dans les prochaines victoires.

Bertrand de Lapresle. Général d’armée en deuxième section du cadre des officiers généraux. Le 7 août 2014.

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