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Louise Glück prix Nobel de Littérature 2020

PAR CHRISTINE LACAN
Le prix Nobel de littérature vient d’être attribué à la poétesse nord-américaine Louise Glück, pour l’ ensemble de son œuvre comprenant une douzaine de recueils poétiques et d’essais sur la poésie.

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Louise Glück, prix Nobel de littérature 2020

« Qui chante là quand toute voix se tait ? » écrit Philippe Jaccottet .
Louise Glück semble lui répondre en donnant une voix au silence, au non-dit et au non-vu, par le viatique d’une parole noblement pauvre, celle de tous les jours, celle de tous. « J’aime l’espace blanc, j’aime l’omission révélatrice, j’aime les lacunes », confie-t-elle. Et comme l’a précisé le jury du Nobel, la poésie de Louise Glück rend « l’existence individuelle universelle ».

Par des accents rilkéens, en une langue dénudée qui ne recherche aucun effet, elle touche directement le cœur et ouvre la porte à l’esprit d’enfance, à son évidence, à sa gravité, à sa profondeur. Selon Fernando Pessoa, « nous avons tous deux vies : la vraie, celle que nous rêvons dans l’enfance, que nous continuons de rêver adultes sur fond de brouillard ; la fausse, celle que nous partageons avec les autres, la vie pratique, la vie utile. » A travers une parole poétique orphique, Louise Glück concilie, réconcilie ces deux vies. Comme Orphée, le sujet lyrique revient de l’Autre-monde et chante :

« Au bout de ma douleur
il y avait une porte.
Ecoute-moi bien : ce que tu appelles la mort,
je m’en souviens.
(…)
tout ce qui
revient de l’oubli revient
pour trouver une voix. »

Sa poésie est peu connue dans le monde francophone alors que son œuvre est consacrée outre-atlantique par les prix les plus prestigieux. La revue Poésie de Michel Deguy et la revue Europe de Jean-Baptiste Para ont édité quelques poèmes traduits par Marie Olivier qui a consacré son doctorat à Louise Glück.
Par ailleurs, Romain Benini, maître de conférence en littérature, a traduit en français deux de ses recueils sans que ceux-ci ne soient édités. Ce sera bientôt fait, et même si nous savons que la poésie est presque intraduisible, c’est justement au sein de ce « presque » que croît la poésie de Louise Glück.

Poème extrait du recueil « L’Iris sauvage » paru aux Etats-Unis en 1992, traduit par Marie Olivier et publié dans la revue Poésie en 2014.

Piégé dans la terre,
ne souhaiterais-tu pas, toi aussi, aller
au paradis? Je vis
dans le jardin d’une dame. Pardonnez-moi,madame,
si rêver m’a ravi. Je
ne suis pas ce que vous vouliez. Mais
tout comme hommes et femmes semblent
se désirer les uns les autres, je désire moi aussi
la connaissance du paradis- et maintenant
ton chagrin, une tige nue
élancée vers la fenêtre du porche.
Et à la fin, quoi donc? Une petite fleur bleue
comme une étoile. Ne jamais
quitter le monde ! N’est-ce- pas
ce que tes larmes signifient?

Christine Lacan

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