Culture et Histoire : Jane Birkin et Madeleine Michelis, deux vies reliées à jamais

Ces deux femmes ne se sont jamais connues. Toutefois, elles restent à jamais reliées par David Birkin, le père de Jane, héros des services secrets britanniques, et par l’amour du français auquel elles ont tout donné d’elles-mêmes

Madeleine Michelis, héroïne de la Resistance. Elle récupérait les aviateurs alliés abattus par la Flak allemande, pour qu’ils soient acheminés vers la Bretagne pour un embarquement vers l’Angleterre.

Jane Birkin et son père David, ancien officier de la Marine britannique. Celui-ci embarquait en Bretagne les aviateurs abattus au sol et récupérés par les Résistants français.

PAR PIERRE MABIRE
La disparition récente de la comédienne, auteure, interprète et chanteuse Jane Birkin, a ravivé de nombreux souvenirs dont certains ont des liens avec l’Histoire de la Seconde Guerre Mondiale.
Ce décès fait notamment ressurgir le passé d’une autre femme au destin tragique, héroïne des années d’Occupation, Madeleine Michelis, torturée et morte étranglée dans les caves de la Gestapo à Paris.
Bien qu’elles ne se soient jamais rencontrées ou connues, ces deux femmes sont réunies par un lien indéfectible : David Birkin, officier de la Marine Britannique, célèbre pour ses expéditions sur la côte bretonne afin d’embarquer à son bord des aviateurs anglo-américains ayant survécu à l’abattage de leurs avions par la défense anti aérienne de l’armée nazie.

Au milieu des rochers de la côte bretonne

David Birkin était doté d’un culot sans limite pour naviguer dans le dédale rocheux de la côte des abers et échapper à la surveillance des gardes allemands installés tout le long du littoral. C’est ainsi qu’il pointait son étrave en pleine nuit dans l’aber Benoît pour embarquer en toute discrétion les aviateurs sauvés du ciel.
Rien, cependant, rien n’aurait pu se dérouler de cette manière si, en amont de cet évènement, d’autres réseaux secrets n’avaient été mis en place pour récupérer les aviateurs alliés avant qu’ils soient arrêtés par des soldats allemands.
Madeleine Michelis fut de ces femmes qui se consacrèrent à la survie de ces aviateurs.

Membre de Libération-Nord et de Shelburn

Célibataire, issue d’une famille modeste – son père avait été cordonnier à Neuilly-sur-Seine – elle se distinguait pas son intelligence, sa culture et son humanisme. Ancienne élève de l’Ecole Normale Supérieure de Sèvres (pour les filles), elle était agrégée de Lettres classiques et avait débuté sa carrière d’enseignante à Paris, avant d’être nommée au Havre puis à Amiens.
Dès le début de ce parcours, elle fut repérée par la Résistance, qu’elle intégra dans le réseau Libération-Nord, avant d’être approchée par les services secrets britanniques Shelburn spécialisés dans la récupération des aviateurs et parachutistes tombés au sol.

Sans éveiller le moindre soupçon

Pour accomplir ses missions, Madeleine Michelis avait dû mettre en place son propre réseau afin d’héberger et soigner les aviateurs, le temps nécessaire à leur évacuation. Et ce, sans éveiller le moindre soupçon. Le lycée de jeunes filles d’Amiens dans lequel elle exerçait état en partie occupé par des services de l’état-major militaire allemand dont elle côtoyait quotidiennement les membres.
Elle s’interdisait toute absence à ses cours afin de ne pas attirer l’attention sur elle. Passionnée de théâtre, elle avait monté une troupe de lycéennes qui occupait une grande partie de son temps.
Arrivée à Amiens à la rentrée 1942, elle ne fit jamais relâche au service de la Résistance. Zone de passage très fréquentée par les forces aériennes alliées le bassin amiénois et de Picardie fut également un secteur de haute activité pour la Flak allemande qui abattit de nombreux avions. Les aviateurs et parachutistes sauvés bénéficièrent de la logistique mise en place par Madeleine Michelis pour assurer hébergement, soins médicaux, convalescence et évacuation vers la Bretagne.

Sa maison encerclée

Le 12 février 1944, l’un de ses collègues et ami, le professeur Georges-Louis Collet, la sachant souffrante, décida de rendre visite à Madeleine à son domicile amiénois.
Arrivant à quelques dizaines de mètre de sa demeure, l’ami vit que l’habitation était cernée par la police allemande. Il n’eut jamais l’occasion de la revoir.

A la Libération d’Amiens, le 31 août 1944, Georges-Louis Collet s’emparera des rotatives du quotidien local « Le Progrès de la Somme », placé sous séquestre, avant de devenir le rédacteur en chef du quotidien « Le Courrier Picard » – avec lequel l’auteur de ces lignes eut l’honneur d’exercer son métier de journaliste pendant plusieurs années.

Embarquée à la prison d’Amiens, Madeleine Michelis fut expédiée à Paris pour être interrogée par la Gestapo, boulevard du Montparnasse. La douce Madeleine, violentée, torturée, suppliciée ne donna aucun nom et ne dévoila aucun de ses ses secrets.
Son corps fut retrouvé étranglé, marqué de nombreux coups et remis aux autorités françaises chargées à leur tour de remettre la dépouille de Madeleine à sa famille.

Unies dans leur amour du français

Née deux ans après la mort de Madeleine Michelis, Jane Birkin ne pouvait donc pas l’avoir rencontrée.
Toutefois, au-delà du lien qui relie les deux femmes – le père de Jane, membre du même réseau Shelburn que Madeleine Michelis – celles-ci resteront à jamais unies dans leur amour de la langue française. A travers le théâtre, Madeline faisait partager à ses élèves toute la subtilité et toutes les variations d’une langue à la croisée de nombreuses cultures.
Pour sa part, Jane, avec son accent charmant londonien, n’eut pas d’égale pour exprimer la musicalité, la poésie et la sensualité du français dont les locuteurs se font aujourd’hui de plus en plus nombreux dans le monde. Tant le français est symbole d’esprit libre, de créativité et de lumière.

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