Concert du pianiste Hugo Martin à la Maison russe des sciences et de la culture

Jeudi 14 mars, le pianiste Hugo Martin a donné un récital de Ravel et de Scriabine à la maison russe des sciences et de la culture, rue Boissière à Paris. Dans la salle comble, médusée par son brio, applaudissant parfois entre les morceaux, le public fut ébloui par cette nouvelle expression de Ravel et de Scriabine, à vrai dire plus proche de l’intention des compositeurs que les scrupuleuses représentations données depuis ces dernières années, mais prisonnières des codes imposés par des opinions convenues. Par sa maturité précoce, Hugo Martin illustre s’il en était encore besoin la réputation mondiale du conservatoire de Moscou, qui n’est ouvert qu’aux meilleurs et aux plus prometteurs après leur sélection. Non seulement la partition est respectée jusqu’à la perfection d’une mécanique de haute précision, modelée par les indications du compositeur, mais encore la fibre personnelle de l’interprète trouve-t-elle naturellement sa place. À aucun moment, celui-ci ne se permet la facilité du vibrato. La vigueur et le tact de ce maître émeuvent profondément l’auditoire, aussi bien dans le fortissimo, l’andante, l’allégro, dans lesquels Ravel et de Scriabine nous bouleversent, que dans la douceur veloutée de pièces rarement jouées.

Par une économie de moyens que permet le piano grâce à l’étendue des octaves, instrument capable de condenser l’orchestre comme l’a prouvé Emmanuel Chabrier, la perception artistique peut désormais faire fi de la querelle des anciens et des modernes, des romantiques et des classiques, voire sortir de la musique pour entrer dans un autre univers. Les cordes sous tension servent à répercuter et nous rendre audibles le fracas de la Création démiurgique, sous les doigts du pianiste devenu oracle. Hugo Martin nous ouvre ce portail grandiose grâce à Ravel et Scriabine, faisant vibrer tout notre être, en déchirant un voile du temple de notre âme barricadée derrière ses préjugés. Ravel et Scriabine les suscitent par les audaces du clavier. L’instrument parvient même à évoquer les percussions venues d’une antiquité immémoriale ; Scriabine les connaît grâce au tambour de chamane et Ravel semble avoir entendu le txalaparta dans une cidrerie de Ciboure : ce xylophone (prononcer tchalaparta) permet de communiquer d’un versant à l’autre des hautes vallées basques. En plus de sa résonnance enchanteresse, il aurait servi de véhicule linguistique, une sorte de Morse, dont le sens est désormais perdu.

Ces deux compositeurs, qu’aucun de nous n’a connus de leur vivant, nous ont tout de même éblouis pendant ces dernières décennies, grâce à des programmes d’une qualité irréprochable. Hugo Martin les dépasse, parce qu’il assume la dimension magique opérative que le public avait jusqu’à présent préféré ignorer, que les concertistes n’étaient sans doute pas prêts à nous livrer. Bien sûr, le public veut sa dose d’émotion, attend impatiemment le morceau de bravoure : il s’agit d’une clause obligatoire. Bien sûr, la manière d’applaudir reflète assez précisément le succès, ce qu’Hugo Martin accepte avec humilité par respect des usages mondains. Pourtant, un certain détachement des contingences montre qu’il considère cela comme un univers parallèle au sien. Pour ceux qui sont familiers de Ravel et de Scriabine, il ne leur aura pas échappé qu’ils ont entendu, vécu, ressenti tout autre chose qui appartient à l’intuition supra sensorielle. Alors, par quoi Hugo Martin est-il porté ? Nous nous perdrions en conjectures et cela n’a pas vraiment d’importance. La musique était en train de subir une mutation : certes, on ne réécrit pas une note ni un silence sur une partition, mais il y a chez le soliste une certaine façon d’être là, une attitude imperceptible qui remodèle l’interprétation, surtout la plus fidèle. À l’aube du troisième millénaire, nos oreilles s’ouvrent-elles ? Ephpheta (saint Marc 7, 34).

Nous remercions notre confrère, Madame Zoya Arrignon, de la Renaissance française, d’avoir organisé cet événement.

Légendes des deux illustrations :

Madame Zoya Arrignon et le maître Hugo Martin.

La Renaissance française était représentée par : Madame Irina Subotic, président de la délégation de Serbie ; Madame Zoya Arrignon, organisateur, président de la délégation de Russie ; Madame Dominique-Henri Perrin et le président de la délégation du Languedoc-Roussillon ; Philippe Lamarque, administrateur.

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