Les deux Immortels : Daniel Rondeau (à droite) et Mario Vargas Llosa. Photo : Académie Française.
Il ne suffit pas de citer le Prix Nobel de littérature qui lui fut décerné en 2010 pour affirmer que Mario Vargas Llosa est un écrivain hors du commun. Chez lui, tout est exception. Né au Pérou, naturalisé Espagnol, auteur de dix pièces de théâtre, vingt ouvrages littéraires, et vingt-deux essais, il n’a jamais écrit d’œuvre en français. Malgré cela, à 85 ans – c’est-à-dire dix ans au-delà de l’âge limite pour intégrer l’institution du quai Conti à Paris – il fut élu en 2021 au siège 18 de l’Académie française laissé vacant par le décès de Michel Serres.
L’académicien Daniel Rondeau – par ailleurs président du prix littéraire de La Renaissance Française – chargé de prononcer le discours de réception parmi les Immortels, s’adressant à l’écrivain, eut ces mots : «L’alliance de la tradition et de la vie nous invite aujourd’hui à accueillir parmi nous Mario Vargas Llosa, un immense écrivain, né péruvien, sud-américain, qui a toujours écrit en espagnol, à qui le pays de Cervantès, en la personne de Felipe Gonzales et Juan Carlos, a offert la nationalité espagnole quand il avait failli perdre la sienne, mais qui n’a cessé d’œuvrer à l’immortalité de la langue française en louangeant notre littérature sur tous ses champs de bataille.
Le 7 novembre 2010, à Stockholm, vous aviez évoqué la France dans votre discours de réception du prix Nobel, qui n’était pas une fin, mais un nouveau départ. Je vous cite : « Enfant je rêvais d’aller un jour à Paris parce que, ébloui par la littérature française, je croyais que vivre là et respirer l’air qu’avaient respiré Balzac, Stendhal, Baudelaire et Proust, allait m’aider à devenir un véritable écrivain, et qu’en ne sortant pas du Pérou, je ne serais qu’un pseudo écrivain du dimanche et jour férié. Et il est bien vrai que je dois à la France et à la culture française des enseignements inoubliables, comme de dire que la littérature est autant une vocation qu’une discipline, un travail et une obstination.
J’ai vécu là quand Sartre et Camus étaient vivants et écrivaient, dans les années de Beckett, Bataille, Ionesco et Cioran, de la découverte du théâtre de Brecht, du T.N.P. de Jean Vilar et de l’Odéon de Jean-Louis Barrault, de la Nouvelle Vague et du Nouveau Roman, et de ces discours, morceaux de bravoure littéraires, d’André Malraux, ainsi que, peut-être, du spectacle le plus théâtral de l’Europe d’alors, les conférences de presse et les coups de tonnerre olympiens du général de Gaulle. » Vous venez devant nous de nous redire combien la littérature française vous a aidé à devenir l’écrivain que vous êtes ».
Si Mario Vargas Lliosa n’a jamais écrit en français, toutefois – nouvelle exception à sa nouvelle position d’académicien français – il est le premier écrivain étranger à avoir vu son œuvre éditée de son vivant dans la prestigieuse bibliothèque La Pléiade.
Une autre facette de cet homme tournée vers la politique demeure sujette à controverse. Obstinément adversaire de toutes les injustices, il entra très jeune sur ce terrain du côté du castrisme, dont il mesura finalement les limites et la réalité privatrice des libertés fondamentales humaines. Le voici aujourd’hui partisan d’un libéralisme dont il précisa le contenu devant l’Académie de Stockholm : « Je déteste toute forme de nationalisme, d’idéologie – ou plutôt de religion – provinciale, aux idées courtes et exclusives, qui rogne l’horizon intellectuel et dissimule en son sein des préjugés ethniques et racistes, car elle transforme en valeur suprême, en privilège moral et ontologique, la circonstance fortuite du lieu de naissance. »
L’hommage de Mario Varga Llosa rendu à Michel Serres, auquel il a succédé au siège N°18 :[ https://www.academie-francaise.fr/sites/academie-francaise.fr/files/vargas_llosa_4_discours_de_m._mario_vargas_llosa_vf_17h.pdf]
Le discours de réception, par Daniel Rondeau : https://www.academie-francaise.fr/sites/academie-francaise.fr/files/vargas_llosa_5_reponse_de_m._daniel_rondeau_vf_17h.pdf