L’un de nos auteurs vient de disparaître le 15 octobre. Comme l’on dit en Afrique : «un vieux qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle.» Lamdou n’avait que 67 ans : la perte prématurée de cet érudit s’avère dommageable. Fin connaisseur de l’histoire napoléonienne, marquant un intérêt prononcé pour les deux empires napoléoniens et le troisième, celui de la plus grande France, il laisse une œuvre littéraire et scientifique.
Il applique les préceptes de Lyautey, auteur du fameux livre Le rôle social de l’officier , en reliant étroitement les associations d’anciens tirailleurs et de leurs famille à la vie du musée. Connaissant l’impact des images et l’utilité de l’action culturelle, il contribue au transfert des traditions du 43e bataillon de tirailleurs sénégalais, héros de Verdun, au premier bataillon d’infanterie des FAS. En tenue de prise-d’armes, les fantassins portent la ceinture de flanelle jaune et la chéchia rouge avec leur treillis camouflé. Gonflée d’orgueil, la poitrine des jeunes soldats peut en remontrer à notre société. Lors des cérémonies officielles, tous les défilés militaires sont ouverts par la gendarmerie à cheval, en grande tenue de spahis, puis clôturés par les anciens combattants. Les plus anciens, ceux du débarquement en Provence et ceux d’Indochine, portent le boubou blanc sur lequel sont agrafées de prestigieuses décorations françaises, dont les ordres nationaux, la médaille militaire et l’on aurait peine à compter les citations sous forme de palmes et d’étoiles sur les croix de guerre 39-45 et TOE. Les plus jeunes, ceux d’Algérie, tirailleurs sénégalais versés aux parachutistes coloniaux, portent la tenue préconisée par l’UNP, l’Union nationale des parachutistes installée à Paris : béret rouge des paras «colo», cravate, blazer bleu, pantalon gris, sans oublier les décorations qui rappellent leur appartenance aux troupes d’élite. Les croix de la valeur militaire y abondent. Avec tact et discrétion, Lamdou a pu fédérer les bonnes volontés et s’effacer afin de rendre hommage aux anciens. Tous défilent derrière deux drapeaux associatifs : celui aux couleurs du Sénégal, et le bleu-blanc-rouge en soie jaunie et fusée qui date de la IIIe république. On entend la fanfare interpréter les vieilles batteries d’ordonnance du Premier Empire, Auprès de la ma blonde, En passant par la Lorraine, C’est nous les Africains, &c.
En 2004, lors des célébrations de l’anniversaire du débarquement en Provence du 15 août 1944, Lamdou joue un rôle déterminant : il fournit les pièces nécessaires à une grande exposition internationale où la presse et le corps diplomatique sont conviés ; en plein milieu, à la place d’honneur, un immense portrait de Raoul Salan rappelle que le plus haut fait d’armes de son régiment, le 6e RTS, fut de reconquérir la presqu’île de Saint-Mandrier, là où le capitaine Bonaparte avait embossé la «batterie des hommes sans peur». Il fait tailler les tenues nécessaires à costumer trois compagnies d’infanterie puis les instruits afin d’animer un grand spectacle populaire de reconstitution historique nocturne dans le stade de Dakar : ces unités interprètent des scènes de la conquête de l’AOF et des deux guerres mondiales. L’enthousiasme de la foule dans les gradins est au rendez-vous. Le président Maître Abdoulaye Wade donne l’ordre au colonel Touré de rédiger un livre mémoriel sur les tirailleurs depuis Napoléon III jusqu’à 1960. La publication voit le jour en 2004 aux éditions «Les 3-orangers» à Paris. Ce livre lui vaut en 2005 le prix Cornevin décerné par l’Académie des sciences d’outremer, ainsi que la médaille d’or de la Renaissance française (reconnue d’utilité publique en 1924). Fin connaisseur en symbolique et en emblématique, directeur du service historique et créateur du service héraldique des FAS, il est élu A.I.H., membre de l’Académie internationale d’héraldique en 2008.
Admis à faire valoir ses droits à la retraite, le colonel a le choix : soit obtenir ses étoiles de général, soit continuer à servir son pays en qualité de conseiller de la présidence. Il n’hésite pas. Parallèlement à son action au palais présidentiel, il continue à publier, devenant un collaborateur régulier de La revue Napoléon. Il venait de donner corps à un projet de tourisme culturel dans l’arrière-pays du fleuve et de s’inclure dans un autre projet de musée en Guinée-Conakry lorsque la mort est venue interrompre cet infatigable entrepreneur doté des qualités d’un immense érudit d’envergure internationale.
La rédaction de La Renaissance française exprime ses condoléances à sa famille, en particulier à son dernier fils désormais orphelin, le jeune Amadou Lindor Touré.