Chaque année, La Renaissance Française distingue de son Prix littéraire, un écrivain dont la langue de naissance ne fut pas le français, mais ayant écrit directement son oeuvre dans la langue de Molière. Cette année, le jury que préside Daniel Rondeau, de l’Académie Française, a attribué le Prix à la Mauricienne Nathacha Appanah pour son livre « La Mémoire délavée » (Ed. Mercure de France) qui rend admirablement hommage à son grand-père, coolie hindou, qui fut ouvrier dans les plantations de canne à sucre de l’île. Sa première langue du berceau fut le créole mauricien, avant qu’elle apprenne le français à l’école.
Ce poignant récit s’ouvre sur un vol d’étourneaux dont le murmure dans une langue secrète fait écho à toutes les migrations et surtout à celle d’aïeux, partis d’un village d’Inde en 1872 pour rejoindre l’île Maurice. C’est alors le début d’une grande traversée de la mémoire, qui fait apparaître autant l’histoire collective des engagés indiens que l’histoire intime de la famille de Nathacha Appanah.
Ces coolies venaient remplacer les esclaves noirs et étaient affublés d’un numéro en arrivant à Port-Louis, premier signe d’une terrible déshumanisation dont l’auteur décrit avec précision chaque détail. Mais le centre du livre est un magnifique hommage à son grand-père, dont la beauté et le courage éclairent ces pages, lui qui travaillait comme son propre père dans les champs de canne, respectant les traditions hindoues mais se sentant avant tout mauricien.
La grande délicatesse de Nathacha Appanah réside dans sa manière à la fois directe et pudique de raconter ses ancêtres mais aussi ses parents et sa propre enfance comme si la mémoire se délavait de génération en génération et que la responsabilité de l’écrivain était de la sauver, de la protéger. Elle signe ici l’un de ses plus beaux livres, essentiel.
Photo : Nathacha Appanah – Île en île (ile-en-ile.org)
Texte / Source : La mémoire délavée de Nathacha Appanah – Editions Mercure de France
Nathacha Appanah
Nathacha Appanah est une romancière mauricienne, vivant en France, née le 24 mai 1973 à Mahébourg ; elle passe les cinq premières années de son enfance dans le Nord de l’île Maurice, à Piton. Elle descend d’une famille d’engagés indiens de la fin du XIXe siècle, les Pathareddy-Appanah.
Après de premiers essais littéraires à l’île Maurice, elle vient s’installer en France fin 1998, à Grenoble, puis à Lyon, où elle termine sa formation dans le domaine du journalisme et de l’édition. C’est alors qu’elle écrit son premier roman, « Les Rochers de Poudre d’Or », précisément sur l’histoire des engagés indiens, qui lui vaut le prix RFO du Livre 2003.
Son second roman, « Blue Bay Palace », est contemporain: elle y décrit l’histoire d’une passion amoureuse et tragique d’une jeune employée indienne d’un hôtel de luxe pour touristes, à l’égard du fils de son patron , Histoire qui cristallise les différences de classe et de caste.
« Le Dernier Frère » (2007) a reçu plusieurs prix littéraires dont le prix du roman Fnac 2007, le prix des lecteurs de L’Express 2008, le prix de la Fondation France-Israël. Il a été traduit dans plus de quinze langues.
En 2013, les éditions Payot ont publié « Indigne » d’Alexander Maksik, le roman qu’elle a traduit de l’américain.
Paru en 2016, son roman « Tropique de la violence » est issu de l’expérience de son séjour à Mayotte où elle découvre une jeunesse à la dérive. Ce roman remporte le tout premier prix Femina des lycéens, le premier Prix Patrimoines 2016, le Prix France Télévisions 2017, le Prix du roman métis des lecteurs 2017 et le Prix du roman métis des lycéens 2017.
Son dixième roman « Le ciel par-dessus le toit » figurait sur la première sélection du prix Goncourt 2019.