Pour commémorer le 80ème anniversaire de la Grande Victoire sur le nazisme, la délégation russe de la Renaissance Française a organisé le 16 mai au Centre Spirituel et Culturel Orthodoxe Russe (CSCOR)à Paris, la soirée « le Chant des partisans : Histoire de l’hymne de la Résistance française ».
Dans son discours d’introduction, Madame Zoya Arrignon, Présidente de la délégation russe de la Renaissance française a rendu hommage à Anna Marly, à qui nous devons ce chant que devenu, d’après le général de Gaulle « l’arme pour la France ».
L’historien Sylvain Charat, docteur en histoire (Paris IV), y a présenté son ouvrage « Le Chant des partisans : Histoire de l’hymne de la Résistance française ». Il a raconté la naissance et le destin de cette chanson mythique, véritable symbole de la Libération.
Pour plonger pleinement dans l’atmosphère de l’époque, la soprano russe Ioulia Vdovina, soliste du chœur de la cathédrale orthodoxe de la Sainte-Trinité de Paris, a offert au public une interprétation a cappella du chant, en français et en russe.
La conférence s’est déroulée en présence de membres de la famille d’Anna Marly, rendant hommage à son héritage musical et à l’esprit de la Résistance qu’elle a su incarner par sa musique.
La soirée s’est terminée par la séance de dédicace de l’ouvrage « le chant des partisans : Histoire de l’Hymne de la Resistance française » édité par la Renaissance Française.
Texte de l’introduction de Madame Zoya Arrignon, Présidente de la délégation de la Fédération de Russie:
Mesdames, Messieurs, chers amis,
Cette année, nous commémorons le 80ème anniversaire de la Grande Victoire sur le nazisme.
Cette guerre a emporté près de 60 millions de civils et de militaires. Parmi eux 27 millions de soviétiques et 660 000 Français.
Je dédie notre soirée à ces héros, connus et méconnus, aux simples soldats, aux militaires de carrière mais aussi aux femmes, femmes de la guerre : épouses, mères, sœurs, aux femmes qui sont engagées auprès des combattants et aussi aux enfants, aux enfants de la guerre.
Notre invité d’aujourd’hui est Sylvain CHARAT, Docteur en Histoire de l’Université Paris IV Sorbonne. Il vient de publier aux éditions de la Renaissance Française, dans sa nouvelle collection de Livres de poche « le chant des partisans : Histoire de l’Hymne de la Resistance française ». Tout à l’heure Monsieur Charat présentera son ouvrage et vous pourrez le faire dédicacer, à l’issue de notre soirée.
Avant de lui passer la parole, je voudrais évoquer la mémoire de celle à qui nous devons ce chant que devenu, d’après le général de Gaulle « l’arme pour la France ».
Emmanuel d’ASTIER DE LA VIGERIE, grand résistant français disait que « La guerre se gagne aussi avec des chansons ». « Le Chant des partisans » a contribué à cette grande victoire sur le nazisme dont nous commémorons le 80ème anniversaire cette année.
Surnommé « La Marseillaise de la Libération » il devient l’hymne de la Résistance, l’hymne de la Libération.
En France, « le chant des partisans » est souvent associé à 2 Français, Joseph Kessel et Maurice Druon, tous deux issus d’une famille originaire de la ville russe d’Orenbourg.
Mais nous devons la naissance de cet hymne de la Résistance à Anna Marly, née Betoulinskaya, musicienne native de Saint-Pétersbourg. Dans ma brève introduction, j’essaierai de vous présenter celle qui a été surnommé «le Troubadour de la Résistance ».
Anna Iourievna Smirnova, née Betoulinskaïa, Anna Marly de son pseudonyme, est née le 30 octobre 1917 à Petrograd (actuellement Saint-Pétersbourg), à quelques jours de la prise du Palais d’Hiver par les Bolchéviques. Elle est la fille de Yuri Betoulinskï, fonctionnaire du Sénat, et de Maria ALFERAKI, d’origine gréco-russe. Sa famille est apparentée avec le célèbre poète Mikhaïl LERMONTOV, avec le grand philisophe et téologien orthodoxe russe Nicolas Berdiaev ou encore avec Piotr STOLIPINE, Premier ministre de l’empereur Nicolas II.
Après l’assassinat de son père par les bolchéviques, la petite Anna est contrainte de fuir la Russie avec sa mère, sa sœur et sa gouvernante pour rejoindre la France. Elles s’installent tout d’abord à Menton au Sud de la France et puis déménagent à Meudon, à côté de Paris.
A Paris, Anna débute une carrière artistique sous le pseudonyme d’Anna Marly, patronyme qu’elle choisit dans l’annuaire téléphonique pensant que son nom russe Betoulinskaïa serait très difficile à prononcer. Elle danse dans les Ballets russes , elle suit des cours de chants au Conservatoire de Paris. Elle devient même « Vice-miss Russie » dans le concours de beauté organisé par la revue « la Russie illustrée » à Paris.
La guitare offerte par sa nounou ne la quitte pas et joue un rôle important dans sa vie. Elle se produira avec cette guitare au Shéhérazade, le cabaret parisien de la jeunesse dorée, puis au théâtre des Variétés à Bruxelles et au Savoy Club de La Haye. C’est d’ailleurs lors de son séjour aux Pays Bas qu’elle rencontre le baron von Doorn, diplomate hollandais qui deviendra en avril 1939 son mari.
Anna connaît aussi une grande satisfaction professionnelle en devenant la benjamine de la SACEM (Société des Auteurs Compositeurs et des Éditeurs de Musique).
Malheureusement, la guerre éclate et Anna connait une nouvelle exode. Elle quitte Paris avec son mari. Ils s’installent à Londres où Anna s’engage comme volontaire à la cantine des Forces Françaises Libres. Elle joue également devant les alliés et chante au micro de la BBC dans l’émission “Les Français parlent aux Français”.
Malgré son exode, elle reste attachée à sa terre natale, la Russie. Elle suit avec beaucoup d’émotions les nouvelles du front russe. Inspirée par le courage et l’héroïsme des maquisards soviétiques de Smolensk, elle compose en langue russe une chanson appelée « La Marche des partisans » lors d’un concert donné aux alliés.
Anna Marly écrivait « Pour moi, cette chanson était le synonyme d’émotions profondes. J’y exprimais ma solidarité avec les Russes, qui se sont battus comme des lions pour chaque centimètre carré de leur terre. Bouleversée, je prends ma guitare, je joue une mélodie rythmée, et sortent tout droit de mon coeur ces vers en russe :
Пойдем мы туда,
Куда ворон не влетит,
Зверь не входит,
Никто, никакая сила
Нас не покорит,
Не отгонит!
Nous irons là-bas où le corbeau ne vole pas/Et la bête ne peut se frayer un passage. Aucune force ni personne/Ne nous fera reculer.”
Appelée initialement “La Marche des partisans”, cette chanson sera interprétée en russe par son auteur jusqu’à ce que Joseph Kessel s’exclame en l’entendant pour la première fois “Voilà ce qu’il faut pour la France !” et qu’il en écrive la version française avec son neveu Maurice Druon. Monsieur Sylvain Charat reviendra tout à l’heure sur la création de cet l’hymne de la Résistance française.
A son retour en France en 1945, Anna Marly connaît la gloire. En 1947, elle compose «Une chanson à trois temps » pour Edith Piaf. Toutefois, elle décide de s’installer en Amérique du sud où elle devient l’ambassadrice de la chanson française. C’est la bas qu’elle rencontre son second mari Yuri Smiernow, ingenieur russe originaire comme elle de la ville de Petrograd. Elle continue à composer et à donner des concerts. Elle sillonne le continent africain toujours accompagnée de sa guitare, avant de s’installer aux États-Unis. Elle publie ses mémoires « Troubadour de la Résistance » aux éditions Tallandier. Durant sa carrière, elle a composé près de 300 chansons, elle est également l’auteur de fables et poèmes.
En 1965, Anna Marly fut décorée de l’Ordre national du mérite puis, en 1985, à l’occasion du quarantième anniversaire de la victoire des forces alliées, le président François Mitterrand l’a promu au grade de chevalier de la Légion d’honneur.
En 2000, à l’occasion du 60 ème anniversaire de l’Appel du 18 juin, Anna MARLY est invitée à Paris par le Président Jacques Chirac. Accompagnée du chœur de l’Armée française, elle interprète une dernière fois Le Chant des partisans en la cathédrale Saint-Louis des Invalides. Sous la coupole de l’Arc de Triomphe, elle est invitée à raviver la flamme éternelle, un honneur qui n’est accordé qu’aux militaires.
C’était l’une de ses dernières apparitions en public. Anna Marly s’est éteinte le 17 février 2006, en Alaska, un ancien territoire russe, à l’âge de 88 ans. Après son décès, son nom fut donné à plusieurs voies et bâtiments publics en France : un petit square porte son nom à Meudon dont elle est également citoyenne d’honneur, ainsi qu’une rue et un collège à Brest, une rue à Lyon, à Nantes et un jardin dans le 14ème arrondissement à Paris. La médiathèque de Saint-Jean-de-la-Ruelle (dans le Loiret) porte également son nom.
Photo 1 : de gauche à droite : Zoya Arrignon, Sylvain Charat, Ioulia Vdovina, membres de la famille d’Anna Marly, Anna Kotlova, Directrice de CSCOR

Presse en parle:
https://www.paris-moscou.com/le-chant-des-partisans-histoire-de-lhymne-de-la-resistance-francaise/
https://fr.gw2ru.com/en_bref/234100-origines-russes-chant-partisans-resistance
