Michelle Tisseyre, une pionnière de la radio et de la télévision de langue française au Canada, et l’une de ses personnalités les plus marquantes pendant plus d’un quart de siècle, est décédée, a rapporté Radio-Canada dimanche soir. Elle était âgée de 96 ans.
Née Michelle Ahern le 13 mars 1918 à Montréal, elle était la mère de Charles Tisseyre, journaliste et animateur scientifique à Radio-Canada, de l’écrivaine Michelle et du musicien Philippe. Elle a été l’épouse de l’écrivain et éditeur français Pierre Tisseyre jusqu’en 1995, année de son décès.
Mme Tisseyre a amorcé sa carrière dans le domaine des médias en 1941, à Radio-Canada, et deviendra, un an plus tard, la première femme à présenter le grand radiojournal, un bulletin de nouvelles de 15 minutes.
En 1944, elle se met en évidence en obtenant la première entrevue exclusive avec le président du Mexique, Manuel Avila Camacho. Ce coup d’éclat la mène à se spécialiser dans le reportage et l’entrevue.
En 1947, Mme Tisseyre quitte Radio-Canada pour devenir pigiste et se verra confier une émission d’une demi-heure à CKAC, un an plus tard. Elle retourne à la société d’État peu de temps après, et avec la naissance de la télévision, en 1952, elle obtient sa propre émission, intitulée Rendez-vous avec Michelle.
Ce premier talk-show au Canada, diffusé dans les deux langues lors de sa première saison, demeurera à l’antenne pendant neuf ans (1953 à 1962) et permettra à Mme Tisseyre d’interviewer des personnalités de toutes les sphères de la société, sauf la politique.
Parallèlement, de 1955 à 1960, elle anime Music-Hall, une émission de variétés d’envergure qui permettra de lancer la carrière de nombreux artistes. Elle y accueille aussi de grandes vedettes de la chanson, dont Édith Piaf et Félix Leclerc.
Sa présence au petit écran, empreinte d’aisance et de simplicité, lui permet de recevoir le trophée Frigon, remis à la meilleure animatrice de télévision, ainsi que le titre de Miss Radio-Télévision, décerné à l’artiste la plus populaire, en 1959.
Dans une entrevue accordée au quotidien Le Devoir et publiée en septembre 2002, Mme Tisseyre a rappelé que les personnalités du petit écran, à cette époque, étaient de véritables idoles.
«Aujourd’hui, tout cela peut paraître prétentieux, mais j’ai toujours dit que j’ai connu, dans les années 50, ce que les vedettes célèbres internationalement peuvent vivre. C’était la même chose pour tous mes collègues, avait-elle confié. Il n’y avait pas moyen de mettre le nez dehors sans que quelqu’un nous reconnaisse. Nous étions adulés. Des vedettes avec un grand V. L’engouement de la population était extraordinaire.»
Fonctions prestigieuses
À l’aube des années 60, Mme Tisseyre continue de tenir des fonctions prestigieuses à Radio-Canada. En 1962, elle est nommée coanimatrice du magazine Aujourd’hui, avec Wilfrid Lemoyne, tête d’affiche du service d’information de la télé de Radio-Canada.
Cette émission quotidienne d’affaires publiques, la première du genre à Radio-Canada, durera jusqu’en 1970 et générera des cotes d’écoute supérieures à un million d’auditeurs.
«Nous avions six recherchistes et, je pense, aussi six réalisateurs. Chaque matin, nous avions une réunion collégiale pour discuter de l’émission du soir et faire nos suggestions. C’était une émission vivante, où les gens étaient tous assis autour d’une table pour discuter d’un sujet. Encore aujourd’hui, cette époque demeure pour moi exceptionnelle tant nous avons eu du plaisir à travailler», avait-elle déclaré au quotidien Le Devoir.
Au début des années 70, Mme Tisseyre donne un nouveau tournant à sa carrière professionnelle en participant à la fondation de la collection des Deux Solitudes avec son mari. Lauréate de nombreux honneurs et distinctions, dont la médaille d’or de la Renaissance française en 1997, Mme Tisseyre a également joué au théâtre et dans plusieurs téléthéâtres.