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Giovanna Pirandello, médaille d’or de La Renaissance Française

par La Renaissance Française

ROME –  Epouse du célèbre avocat et mécène, grand protecteur des arts et des artistes Pierluigi Pirandello, petit-fils du prix Nobel de littérature et fils du célèbre peintre Fausto Pirandello, Giovanna Pirandello, présidente de la fondation Fausto Pirandello, a reçu des mains du président international de notre institution, Denis Fadda, la Médaille d’or de La Renaissance Française.

La cérémonie qui rassemblait de nombreuses personnalités de monde de la culture dans une salle comble, s’est tenue le 24 octobre 2023 à la Villa Médicis, siège de l’Académie de France à Rome. Elle a été largement commentée par la presse italienne.


Madame, Chère amie, Chère Giovanna,

« L’art ne reproduit pas le visible. Il rend visible ». Cette simple phrase de Paul Klee suffit à résumer le projet pictural qui a animé le peintre Fausto Pirandello tout au long de sa mission de peintre. Car Fausto était en mission, de façon radicale, sans aucune concession.

Vous, Giovanna Pirandello, épouse du fils de Fausto, Pierluigi disparu il y a cinq ans, avocat romain de grand renom qui toute sa vie a été au service de l’art et des artistes, vous êtes aussi en mission: celle de rendre plus visible l’œuvre de Fausto, en présidant la fondation Fausto-Pirandello qui agit de façon très dynamique dans différents domaines.

Tout d’abord, un dialogue avec la tradition dont il est héritier ; et quel héritage ! Tout artiste italien a le sentiment d’être un « nain assis sur les épaules de géants », comme le disait déjà Bernard de Chartres au XIIème siècle; les géants que sont les peintres et sculpteurs qui forment la longue et extraordinaire chaîne de créateurs que la péninsule a fécondée.

Ensuite un dialogue avec ses contemporains : Fausto, dont l’œuvre est singulière et inclassable, est vraiment un artiste de son temps. Et s’il n’a suivi aucun courant particulier, traçant sa voie propre, il a évidemment subi l’influence des grands peintres du début du XXème siècle notamment pendant sa période parisienne.

Il s’installe à Montparnasse et y vit de 1927 à 1930; votre mari y nait. En cette époque, Montparnasse est le creuset de l’innovation artistique; les artistes du vieux continent comme du nouveau monde s’y retrouvent; toutes les expériences picturales se rencontrent et se fertilisent mutuellement. Là, Fausto fréquente Picasso, Derain, Braque, son compatriote De Chirico ainsi que les peintres dits de l’Ecole de Paris.

Le séjour parisien est pour Fausto un séjour fondateur et son fils sera toute sa vie très attaché à sa ville de naissance. La peinture, depuis la fin du XIXème siècle est en crise : la crise de la mimesis, de la représentation. Depuis l’invention de la photographie, le peintre cherche un sens à son geste. Et Fausto participe pleinement à cette quête. Son art reste figuratif, mais profondément transgressif. Fidèle à la tradition du nu féminin, il en explore les aspects et les limites, refusant toute forme d’idéalisation. Comment peindre un corps en s’émancipant de la projection mentale que nourrit le regard, tout regard étant « cose mentale » nourrie de la mémoire, de la culture, de la subjectivité du peintre.

Est-il possible de traduire sur une surface plane, par le trait et la couleur, le mystère de l’être humain ? On se souvient des mots du peintre français Maurice Denis écrivant en 1890 qu’il convient de « se rappeler qu’un tableau – avant d’être un cheval de bataille, une femme nue, ou une quelconque anecdote – est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées ». Si les tableaux de Fausto apparaissent déroutants et tourmentés, c’est moins pour des causes psychologiques, comme on l’a trop souvent dit, que pour des raisons intellectuelles et  conceptuelles, Fausto tentant désespérément de résoudre le paradoxe du rapport entre le réel, la toile et le peintre.

Si on regarde un de ses tableaux emblématiques Interno di mattina, que votre époux Pierluigi a offert au Centre Pompidou de Paris, et que Fausto a peint en 1931, on voit qu’il condense les interrogations et les recherches conceptuelles et esthétiques du peintre : le sujet principal – une femme en train de s’habiller le matin – est un thème emprunté à la tradition. Mais la femme est à la fois nue et vêtue, et son visage est circonscrit dans un cadre. Elle tient à la main une page de journal hâtivement déchirée qui représente une mère à l’enfant. Le peintre nous dit ainsi : ce que vous regardez n’est pas une femme en train de s’habiller, mais l’image d’une femme, ce qui est bien différent. Il tient à éduquer le regard de celui qui observe, à lui ouvrir les yeux sur le réel; il ne cherche surtout pas à le charmer ou le séduire.

Je sais, Madame, combien votre époux était très soucieux de donner à son père, Fausto, la reconnaissance qui lui était due, et qui a sans doute été voilée par la notoriété du père.

Et tout votre travail, tend à faire comprendre par des publications, des colloques, des expositions, l’intérêt majeur de l’œuvre picturale de Fausto. Vous accomplissez une oeuvre admirable.

Fausto Pirandello est le fils du célèbre écrivain et dramaturge Luigi Pirandello dont il a fait d’ailleurs un portrait poignant. Il est sans doute difficile pour un artiste d’être le fils d’un prix Nobel de littérature. Pourtant, Luigi qui peignait lui aussi, avait une admiration profonde pour l’œuvre de son fils, dont il reconnaissait le génie propre.

Si Fausto Pirandello a dialogué avec la tradition dont il est l’héritier, avec ses contemporains, il a surtout dialogué avec lui-même, ce dont témoignent ses admirables autoportraits qui, personnellement, me touchent profondément. Fausto se regarde sans aucune complaisance, et exprime tout le tragique propre à la condition humaine. Il sollicite l’observateur avec la même force que Bacon ou Lucian Freud, ce que les travaux que vous publiez démontrent parfaitement.

C’est donc avec une grande joie que nous sommes réunis ici, en ce lieu, pour honorer votre engagement dans le domaine que je viens d’évoquer, sans toutefois citer toutes les actions que vous menez depuis tant d’années.

Je suis d’autant plus ému que cette cérémonie se tient à la Villa Médicis où Fausto Pirandello a longuement séjourné au début des années 40 avec les siens et c’est là que Pierluigi a préparé pour son père tant aimé la brouette qui a donné l’admirable tableau que nous connaissons.

Je sais aussi que Fausto s’intéressait passionnément au travail de Pablo Picasso qui était lui-même fasciné par l’œuvre du peintre français du XIXème siècle Jean Dominique Ingres.

Or Ingres, en 1806, a été prix de Rome et, plus tard, a dirigé l’Académie de France. J’aime évoquer cette chaîne de la création dont ce lieu est le symbole.

Je suis infiniment heureux de vous remettre cette Médaille d’Or si méritée que La Renaissance française a décidé de vous accorder.

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