Il y a 80 ans, le 4 août 1944, quelques semaines avant la libération de Paris, Véra Makarova, épouse Obolenskaya, a été guillotinée par les nazis dans la prison de Plötzensee à Berlin-Charlottenburg (Allemagne). Elle était mannequin, secrétaire dans l’industrie, résistante, lieutenant des Forces françaises de l’intérieur (FFC), secrétaire générale de l’Organisation civile et militaire OCM*. Elle avait 33 ans.
A l’occasion de ce triste anniversaire, l’agence TASS a interviewé Madame Zoya ARRIGNON, Présidente de la délégation de La Renaissance Française en Russie, pour évoquer la mémoire de cette femme exceptionnelle.
Paris, le 4 août 2024/ TASS/ https://tass.ru/obschestvo/21527399
« La mémoire collective est un facteur de renforcement des liens entre les pays »
D’après Zoya ARRIGNON, la mémoire collective historique est nécessaire pour le maintien et le renforcement des relations franco-russes. Parmi les objectifs de La Renaissance Française, créée il y a près de 110 ans, en pleine Première Guerre mondiale, figure la préservation de la mémoire historique.
La princesse Vera Obolenskaya, dite Vicky, a été décapitée par les nazis le 4 août 1944. « Elle est née pour rayonner dans la haute société et aurait échappé à la guerre. Cependant, répondant à l’appel du général Charles de Gaulle, la princesse Obolenskaya rejoint la Résistance dès le début de l’occupation allemande de la France. Elle devient membre de l’Organisation civile et militaire (OCM) et par la suite la Secrétaire Générale de l’Organisation », explique Zoya Arrignon.
« Dénoncée, elle est arrêtée par la Gestapo la veille du Noël 1943 et transportée à la prison d’Arras. Elle fut surnommée par les nazis « Princesse je ne sais rien » car malgré les tortures et les interrogatoires, elle ne donnera aucun nom et ne trahira personne. » – évoque Zoya Arrignon.
« Femme issue de deux cultures »
« Après la révolution, elle émigre en France avec ses parents à l’âge de neuf ans, mais conserve jusqu’à la fin de sa vie un amour sincère pour la Russie. Lors d’un interrogatoire, elle déclare aux agents de Gestapo : « Je suis russe, mais j’ai grandi en France et passé toute ma vie ici. Je ne trahirai ni ma patrie ni le pays qui m’a offert l’asile ».
Inculpée de haute-trahison, jugée à Paris, elle fut condamnée à mort mais refusa de signer un recours en grâce. Elle sera finalement déportée en Allemagne, à la prison Alt Moabit puis à celle de Barninstrasse. Elle fut guillotinée le 4 août 1944 dans la prison de Plötzensee à Berlin-Charlottenburg.
Après la guerre, elle reçoit à titre posthume la Croix de chevalier de la Légion d’honneur, la Croix de guerre et la Médaille de la Résistance. Le nom de Vera Obolenskaya est gravé sur le monument aux morts de Rueil-la-Gadelière (région Centre-Val de Loire) où elle a vécu avec son époux, également résistant. En 1965, Véra Obolenskaya reçoit également, à titre posthume, l’Ordre soviétique de la Grand guerre patriotique.
Véra Obolenskaya n’a pas de tombe mais un cénotaphe au cimetière de Sainte-Geneviève des Bois honore sa mémoire.
Dans un arrêté spécial du 6 mai 1946, signé par le maréchal Bernard Montgoméry, chef de l’ensemble des forces terrestres alliées, ce dernier exprime « son admiration pour les mérites de Vera Obolenskaya, qui, en tant que volontaire, a donné sa vie pour que l’Europe puisse à nouveau être libre. »
Née le 24 juin 1911, Véra Obolenskaya est issue de la famille d’Appolon Makarov, vice-gouverneur de Bakou (Empire russe). La guerre civile les fait fuir vers la France. En 1920, la famille s’installe à Paris où Véra reçoit le passeport Nansen. En 1937, elle épouse le Prince Nicolas Obolenskï (1900-1979), fils du gouverneur de Saint-Pétersbourg.
Le film « Paradis », du réalisateur russe Andreï Konchalovsky, est consacré à l’héroïsme de cette femme. En 2016, ce film remporte le Lion d’argent à la Mostra de Venise.
* L’Organisation Civile et Militaire est fondée à Paris en décembre 1940. Comme son nom l’indique, elle est le fruit de la fusion de plusieurs groupes composés de militaires de carrière (le colonel Heurteaux et le colonel Touny), d’anciens dirigeants de la Confédération des travailleurs intellectuels (Maxime Blocq-Mascard, André Sainte-Lagüe) et d’industriels (Arthuys). L’objectif est de bâtir une organisation paramilitaire clandestine capable de constituer une force d’opposition à l’occupant et un appui interne à l’offensive alliée.
Photo : Portrait de Véra OBOLENSKY par Zinaïda SEREBRIAKOVA/ Nicolas et Véra OBOLENSKY