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LIBAN Table ronde de La Renaissance Française au salon du livre francophone – Beyrouth

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Dans le cadre du Salon du livre francophone de Beyrouth, le 11 novembre la Délégation de La Renaissance Française au Liban a animé une table ronde sur le “vivre ensemble dans l’espace méditerranéen” à laquelle participaient le Professeur Denis Fadda, Président international de La Renaissance Française, le Professeur Antoine Courban et M.Ibrahim Tabet, Ecrivain, Président de la Délégation. M.Tabet a introduit le débat et agi comme modérateur.

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Ci-après les textes introductifs de MM.Ibrahim Tabet et Denis Fadda

Texte de M. TABET

Table Ronde sur le vivre ensemble dans l’espace méditerranéen
Salon du Livre Francophone de Beyrouth
Le 11 novembre 2016

Mot d’introduction
De l’Antiquité à l’époque de Philippe II, le monde méditerranéen a longtemps occupé une place centrale dans l’histoire de l’humanité. « Espace de conflit, espace de rêve », selon le titre d’un ouvrage de Georges Corm, la Méditerranée fut à la fois le berceau de grandes civilisations et des trois monothéismes. De tout temps, elle a été un environnement propice à l’épanouissement des hommes ainsi qu’au développement de la pensée, des arts, de la littérature et des sciences. De la philosophie grecque à la Renaissance italienne en passant par le droit romain elle a vu la naissance de concepts qui ont forgé notre vision du monde.
Mais aussi de nombreux affrontements de puissances visant à y défendre leurs intérêts ou à y étendre leur domination ou leur religion. Aujourd’hui elle est de nouveau le théâtre d’un clivage profond entre sa rive nord et ses rives sud et est. Alors que les riverains de la « mare nostrum » romaine faisaient partie d’une même civilisation, devenue chrétienne jusqu’à
l’avènement de l’islam, l’actualité semble malheureusement donner raison à la prophétie auto réalisatrice du choc des civilisations. Les Européens la voient surtout comme une voie de passage de flux migratoires indésirables, voire de terroristes menaçant sa culture, ses valeurs et sa sécurité. Tandis que la montée de l’islamisme radical se traduit par un regain d’anti occidentalisme. L’islamophobie et la haine des jihadistes envers les « croisés et les juifs » se nourrissent mutuellement. Et la dérive antidémocratique de la Turquie condamne définitivement son adhésion à l’Union européenne.
Les forums de dialogue interreligieux et les initiatives visant à combler ce fossé
d’incompréhension et à promouvoir la coopération entre pays riverains de Méditerranées, qu’elles soient de nature culturelle, politique, ou économique, n’ont pas manqué, quoique sans grand effet. Les principales initiatives furent le processus de Barcelone engagé en 1995 et le projet mort-né d’Union pour la Méditerranée, lancé en 2008 par Nicolas Sarkozy et définitivement enterré par le dévoiement du soi-disant « printemps arabe ». Cela dit son échec est également dû à d’autres causes. Dont le fait que les pays du nord et de l’est de l’Union Européenne qui y ont été associés sur l’insistance de l’Allemagne n’y voyaient pas le même intérêt que la France qui en avait pris l’initiative, l’Italie ou l’Espagne. Ce dont il faudra sans doute tenir compte à l’avenir.
Le fait que le promoteur de ce projet soit devenu un de ceux de l’intervention militaire
occidentale en Libye, avec les conséquences désastreuses que l’on connaît, montre à quel point le fossé entre les deux rives de la Méditerranées s’est élargi. Malgré la prise de conscience de toutes les parties prenantes de l’ampleur de la crise, aucune tentative sérieuse de relance de la coopération méditerranéenne et euro-arabe n’a été engagée depuis les « printemps arabes ».
La responsabilité de réduire les foyers de tensions et d’affrontements pour assurer la stabilité et la sécurité dans l’espace méditerranéen et euro-arabe appartient certes d’abords aux Etats. Mais sans implication de la société civile, les politiques décidées « par le haut » ne peuvent qu’avoir un effet limité.
L’absence de dialogue et d’implication de la société civile fut d’ailleurs l’une des raisons des échecs du Processus de Barcelone et de l’Union pour la Méditerranée.
Raison de plus pour laquelle la participation de la société civile à la réflexion et aux efforts en faveur du dialogue des cultures est plus que jamais nécessaire. C’est ce sujet que traitera notre table ronde sur « le vivre ensemble autour de l’espace méditerranéen ». Choix qui se justifie non seulement par caractère d’actualité mais car elle se tient dans le cadre d’un événement francophone et dans une ville symbole de ce vivre ensemble. J’ai l’honneur de présenter nos deux intervenants : le professeur Denis Fadda, président international de la « Renaissance Française dont la devise est précisément : « culture, solidarité, francophonie ». Et le professeur Antoine Courban co-auteur de la charte du vivre ensemble en Méditerranée.
Ibrahim Tabet : modérateur

Texte de Mr FADDA

Vivre ensemble dans l’espace méditerranéen
Salon du Livre Francophone de Beyrouth
Le 11 novembre 2016

Il nous faut d’abord nous interroger sur cette belle formule du « vivre-ensemble ». Qu’est-ce que vivre ensemble ? Est-ce vivre pacifiquement sur un même espace les uns à côté des autres ? De façon juxtaposée ? Oui, c’est cela mais encore ? Cela ne suffit pas. On peut vivre ensemble et s’ignorer. Ce qu’il faut c’est vivre avec les autres et surtout agir ensemble. Agir ensemble dans cet espace méditerranéen, ou plutôt dans ce monde méditerranéen, qui s’étend du Proche-Orient au Portugal en passant par la Mer noire. C’est à dire dans cet ensemble de territoires imprégnés par la culture méditerranéenne constituée des apports assyriens, phéniciens, grecques, romains, arabes, chrétiens et musulmans et de bien d’autres.
Voulant définir la nation, Renan disait « Ce qui constitue une nation, ce n’est pas de parler la même langue ou d’appartenir à un groupe ethnique commun, c’est d’avoir fait ensemble de grandes choses dans le passé et de vouloir en faire encore dans l’avenir ». Ce qu’écrivait Renan à propos de la nation vaut pour le vivre ensemble en Méditerranée.
Depuis l’Antiquité de grandes choses, de très grandes choses ont été faites dans l’espace méditerranéen au point que la civilisation méditerranéenne a irrigué toutes les parties du monde.
Les trois rives n’ont jamais cessé d’échanger, de communiquer, les hommes se sont déplacés
librement, les idées ont circulé. Ibn Khaldoun est aussi célèbre au nord de la Méditerranée qu’à l’est et au sud. Né à Tunis, « le père de la sociologie » meurt au Caire. Averroès dont l’influence sur nombre de philosophes européens a été considérable, est né à Cordoue et mort à Marrakech.
Avicenne, Philosophe, Ecrivain, Médecin dont l’influence fut si importante dans l’ensemble du monde méditerranéen et au-delà, naît dans l’actuel Ouzbekistan et meurt dans l’actuel Iran.
Hérodote, Grec né dans l’actuelle Turquie voyage beaucoup (en Egypte, en Perse, il séjourne à Tyr etc) et s’intéresse à tous les peuples de la Méditerranée. Le « Père de l’Histoire », comme l’appelle Cicéron, qui est aussi l’un des premiers géographes, finit sa vie en Calabre. Saint Augustin, Berbère fait ses études à Milan ; sa mère Sainte Monique meurt sur le port d’Ostie alors qu’elle allait s’embarquer pour l’Afrique du Nord, pour Hippone. Rome a connu des empereurs nés sur la rive sud de la Méditerranée. L’Afrique du Nord a été chrétienne avant la Gaule. Le Moyen Orient et l’Afrique du Nord comptent en importance et en beauté sans doute plus de sites romains que l’Italie.
Pour pouvoir agir ensemble il est nécessaire d’avoir à l’esprit ce socle commun. Aujourd’hui Il nous faut faire prendre conscience aux peuples de Méditerranée de ce passé extraordinaire, mettre en évidence ce que nous avons été capables de faire ensemble et démontrer que sur ces bases nous pouvons et devons reconstruire. Nous devons toucher les peuples. Nous ne pouvons plus nous contenter de laisser « courir » les idées. Mais n’attendons plus que les initiatives viennent des Etats ; elles doivent venir de la société civile.

« L’Union de la Méditerranée », même réduite, sous des pressions diverses, à « l’Union pour la Méditerranée » n’a pu voir le jour. Tout est dit. Les Etats n’agiront que sous la pression de la société civile.
Les intellectuels ont le devoir d’agir. Ils doivent se regrouper avec cette grande ambition de faire enfin naître un jour une « Union de la Méditerranée » et agir, à la fois, sur les gouvernements et sur les peuples. Et l’action sur les peuples passe par l’instruction. Les peuples veulent apprendre et c’est des intellectuels d’abord qu’ils doivent recevoir l’instruction nécessaire avant que les Etats jouent enfin leur rôle à partir de l’école maternelle.
Tout passe d’abord par une meilleure connaissance les uns des autres. Mais pour mieux se connaître il faut d’abord mieux se comprendre. « Mieux se connaître pour mieux se comprendre ». Cela suppose un apprentissage par l’enseignement, le dialogue, l’échange et le partage.
Le chemin est long mais ce n’est pas une raison pour ne pas l’emprunter. Car nous savons bien que nous ne pourrons vraiment vivre pleinement tous ensemble et sans préjugés dans le monde méditerranéen que lorsque : le terrorisme aura été vaincu, la démocratie aura gagné, la souveraineté des Etats aura été respectée. En somme, il s’agit de respecter l’être humain et le cadre dans lequel il veut vivre et ne rien lui imposer (nous devons avoir à l’esprit – entre autres – l’implosion de l’U.R.S.S., de la Tchécoslovaquie et de la Yougoslavie). Chaque peuple a une histoire, une culture que nous devons reconnaître. Cela passe, évidemment, par le respect des minorités culturelles et linguistiques.
« L’Appel de Beyrouth pour une Méditerranée du vivre-ensemble » constitue une base excellente ; il nous faut maintenant instruire, convaincre et construire.
Denis Fadda

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