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Serbie : le patrimoine architectural de Belgrade en grand danger

par La Renaissance Française

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Septembre 2018 : à Vracar, commune de l’agglomération de Belgrade, les habitants assistaient à la démolition d’une une villa de 1927, œuvre de l’architecte Milan Schlang. Un exemple de destruction du patrimoine parmi de nombreux autres.

BELGRADE – 09/07/2021. De la délégation de La Renaissance Française en Serbie.

La délégation de La Renaissance française en Serbie et l’association de lutte pour la protection du patrimoine Udruzenje Topolska mettent l’accent sur la destruction massive, le carnage perpétré sur de sublimes bâtiments datant de l’avant-guerre et de l’entre-deux-guerres, pour lesquels aucune loi de protection de conservation et restauration digne de ce nom n’a été adoptée par « les instances compétentes » depuis des décennies, ou si peu… si mal… avec si peu de passion !
Belgrade est au confluent d’un fleuve et d’une rivière, évoluant tel un funambule sur le fil tendu entre l’Orient et l’Occident. Elle se libère du joug ottoman à la fin du XIXème siècle, entamant une période d’européanisation accélérée
dans ce qui ressemble alors à un Pasaluk turc.

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L’un des nombreux immeubles de Belgrade représentatif de la reconstruction de la ville durant la Belle époque et de la période Art Déco.

Dévastée durant la Première Guerre mondiale, elle connait dans l’entre-deux guerres une véritable renaissance, poursuivant sa modernisation entamée avant le conflit. C’est à cette époque que l’on érige de nombreuses maisons privées, significatives et représentatives des courants artistiques et architecturaux majeurs de cette période. Elle se pare de joyaux magnifiques aux ornementations délicates, aux accents sécession, art nouveau, art déco qui ne constituent pas un ensemble systématisé mais, au contraire, offrent aux visiteurs une bonbonnière de merveilles que l’on
découvre au hasard des rues, nichées dans une alcôve de verdure.

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Des merveilles d’art urbain sous la menace de projets immobiliers indifférents à la préservation du patrimoine.

Chacune de ces dames de pierres nous invite au voyage à sa manière, en donnant à voir une interprétation singulière et envoutante de ces styles ! Les bombardements de la Seconde Guerre mondiale laissent des traces indélébiles, détruisant notamment la bibliothèque nationale dont les vestiges aujourd’hui ne sont ni préservés, ni mis en valeur.
Le communisme, en conflit avec le charme discret de la bourgeoisie, ne leur prodigua pas le soin qu’elles méritaient et l’on finit par s’en détourner, par s’en désintéresser.
De nos jours, victimes d’un nouvel ordre politique et économique, ces merveilleuses pièces d’architecture sont ostensiblement saccagées avec un acharnement qui, ces dernières temps, atteint son apothéose.
Véritablement unique, ayant résisté depuis des décennies aux assauts des guerres, aux destructions multiples, à l’indifférence puis à l’avidité de ses élites, Belgrade est en passe de s’essouffler.

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En l’absence de lois, de réglementations rigoureuses dans ce domaine ou plutôt au vu du non-respect ou de la malléabilité de celles-ci, on peut détruire sans vergogne ni états d’âme ce que Belgrade a de plus beau.

Livrée aux mains de promoteurs peu sensibles à la question de l’esthétique, de l’art ou du patrimoine, très appuyés dans leurs visions très personnelles de l’urbanisme, Belgrade e est condamnée, semble-t-il, à perdre de façon imminente sa longue bataille pour demeurer elle-même.
En l’absence de lois, de réglementations rigoureuses dans ce domaine ou plutôt au vu du non-respect ou de la malléabilité de celles-ci, on peut détruire sans vergogne ni états d’âmes ce que Belgrade a de plus beau. Au nom d’une vision mercantile et médiocre de la modernité on fait pousser des tours en carton-pâte, là où des artistes talentueux nous ont légué des ensembles urbains de toute beauté qui ne demandaient qu’à être aimés, conservés et préservés.
Belgrade est une fée ignorée, abimée et délaissée ! On y vient, on y revient, on s’y installe pour son charme et son dynamisme irremplaçable, pour ses oasis de verdure enveloppants et doux, empreints de charme et d’histoire, que l’on est justement en train de massacrer.
En dehors des dégâts irréparables que nous constatons déjà, les pseudos projets d’urbanisme et d’aménagements en cours, s’ils sont adoptés,
signeront l’arrêt de mort de notre ville telle que nous la connaissons.

Il n’y a aucun inventaire des maisons sublimes situées hors des artères touristiques, plus aucun témoignage ou traces des spécimens déjà saccagés que l’on recroisera peut être au format carte postale, avec un peu de chance, dans les cartons des antiquaires.
Nous avons tout tenté, fait les démarches nécessaires en nous référant aux quelques textes de loi, aux Conventions signées et ratifiées par le gouvernement telles que Faro et Grenade, lancé des pétitions mais…. En vain ! Nous sommes mobilisés, mais cela n’a pas les effets escomptés et les destructions de quartiers entiers se poursuivent.

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Ce sont là autant de fragments de poésies hors du temps, des madeleines de Proust chargées d’histoires, d’odeurs et de souvenirs. Comment faire cesser ce carnage ?

Toutes les grandes villes européennes s’attachent à préserver leur patrimoine historique et culturel. Si la modernisation est un processus attendu, allant de pair avec l’air du temps et l’actualisation des modes de vie, elle ne doit en aucun cas se faire sans le concours de personnes compétentes, au détriment de ce qui est précieux ou de ce qui nous rappelle qui nous sommes. C’est l’atmosphère et le caractère de la ville qui doivent ici être préservés !
Ce n’est pas seulement des édifices que nous perdons, mais des écrins d’espaces verts, véritables poumons urbains, abritant des espèces rares et protégées.
Ce sont là autant de fragments de poésies hors du temps, des madeleines de Proust chargées d’histoires, d’odeurs et de souvenirs.
Comment faire cesser ce carnage ?
Comment sauver définitivement ce qui reste ?
Belgrade, on t’aime…

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