Par Christine Lacan
Dieu sait s’il l’avait occupée ! La Sorbonne, le Collège de France, l’Académie des inscriptions et belles lettres, l’Académie française résonnent de ses cours et discours, que tous admiraient, qu’ils soient d’accord ou non avec le propos. Marc Fumaroli n’était -il pas un maître en rhétorique, rhétorique qu’il a étudiée autant sous son aspect esthétique qu’éthique ?
Dans une époque où tous les politiques invoquent la « pédagogie » et se soumettent aux communicants, la pensée du grand érudit qui a vécu l’Europe de la Renaissance et de l’Age classique porte un éclairage lumineux et intemporel.
Oui, Marc Fumaroli était un maître. Très exigeant vis à vis de lui-même, il suscitait l’admiration et le désir d’élévation, incarnant l’esprit français, où l’élégance autorise le dialogue : la forme et le fond non seulement ne s’opposent pas mais s’édifient conjointement. Héritier de Buffon qui prononce lors de son entrée à L’Académie française en 1753 son fameux discours sur le style où il dit « Bien écrire, c’est avoir en même temps de l’esprit, de l’âme et du goût », Marc Fumaroli incarnait parfaitement la fameuse formule « le style, c’est l’homme même ».
Il ne reconnaissait pas l’industrie culturelle contemporaine
C’est sur la notion de goût, que Marc Fumaroli a suscité des polémiques passionnées. La hauteur de sa pensée, nourrie d’une profonde culture, associait comme à l’âge classique le beau, le vrai et le bien, dans une dynamique constamment renouvelée. Il ne reconnaissait pas l’industrie culturelle contemporaine qui transforme les œuvres d’art en produits, et il le disait.
Il a occupé à l’Académie le fauteuil du roumain Eugène Ionesco qui, ayant épousé la langue française, fustige dans ses œuvres la césure entre la langue et le réel avec ses dramatiques conséquences.
Par ses essais et ses positions, Fumaroli a été le digne successeur du grand dramaturge, ne cessant d’étudier le rapport entre la langue française et la société, l’une fécondant l’autre. Il a transmis et il transmettra éternellement sa profonde admiration pour les grands écrivains de langue française qui ont fait la France, l’Europe et ont essaimé dans le monde entier.
Non, Marc Fumarolli ne nous a pas quittés.