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Culture : écriture et lecture pour briser le confinement

Lorsque le vaccin contre COVID19 aura été mis au point et sera inoculé massivement pour protéger les populations de tous les pays, nul ne se réjouira du bilan du confinement sanitaire mondial tant il aura fait de victimes, et de vies ôtées d’êtres chers.
La pandémie aura aussi durci l’existence déjà très compliquée des personnes fragiles, notamment les paralysés et handicapés en partie privés de leurs auxiliaires de vie et de soins quotidiens dont ils ont tant besoin.
Ainsi, tel grand paralysé atteint de myopathie, tétraplégique, ami de La Renaissance Française, nous annonçait la semaine passée la réduction temporaire pour cause de confinement de services tels que la douche, le massage (contre les escarres principalement dus à l’immobilisation totale en fauteuil), le rasage : « C’est pourtant ce qui me sauve le moral », déplorait-il amèrement.

L’écriture libératrice

En face de la colonne « passif » du lourd bilan de la pandémie, il y aura aussi une colonne « actif ». Avec des acquis surprenants. C’est par exemple le cas pour le monde de l’écriture.
Romanciers, essayistes, poètes ne se sentent guère dépaysés par la mise à l’isolement.

Leila Slimani : « Des centaines de romans ou livres sont en train de s’écrire”

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« Le confinement ? Pour un écrivain, quelle aubaine ! Soyez certain que dans des centaines de chambres du monde entier s’écrivent des romans, des films, des livres pour enfants, des chansons sur la solitude et le manque des autres. », expliquait dernièrement la romancière Leila Slimani, prix Goncourt 2016 avec Chanson douce (Gallimard), qui fournit au quotidien « Le Monde » son journal du confinement.

Sylvain Tesson : « Ne pas engager de lutte contre le temps »

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La mise à l’isolement complet est une situation que connait bien Sylvain Tesson, couronné du prix Renaudot 2019 avec La panthère des neiges (Gallimard), et du prix Médicis 2011 pour Dans les forêts de Sibérie (Gallimard). « La seule manière de ne pas succomber à l’effondrement de soi-même, c’est de ne pas engager de lutte contre le temps », a-t-il expliqué au micro de France-Inter.
Pour ses divers ouvrages, il a vécu seul pendant plusieurs mois dans un pigeonnier, s’est exilé au Tibet et a vécu entre 2018 et 2019 dans une cabane aux abords du lac Baïkal à 120 kilomètres du plus proche village.

Daniel Pennac : « Voyez Montesquieu, Soljenitsyne et Jean-Paul Kauffmann »…

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Même expérience pour Daniel Pennac, qui s’isole souvent pour écrire. Sur les ondes d’une radio, il évoquait d’autres grands auteurs comme Soljenitsyne « sauvé du Goulag grâce à la lecture », le journaliste écrivain Jean-Paul Kauffmann, otage pendant trois ans au Liban, « qui a sauvé son esprit en relisant indéfiniment le deuxième volume de Guerre et Paix de Tolstoï ».
Et de souligner que le journaliste reçut le prix de la Langue Française 2009 pour l’ensemble de son œuvre, décerné par un jury composé de membres de l’Académie Française et de l’Académie Goncourt.
A ses concitoyens, Daniel Pennac glisse ce simple conseil : “S’adapter“, en préconisant de lire ou de relire : Les Troglodytes (Lettre XII, Lettres persanes, 1721), un petit texte de Montesquieu qui rappelle “la nécessité absolue de la solidarité en temps de crise.”.
Il soulignait sur ces mêmes ondes que les Français n’avaient pas connu une telle situation du chacun chez soi depuis la Seconde guerre mondiale.

Lydie Salvayre : « Emilie Brontë écrivait loin de tout »

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Même tonalité chez Lydie Salvayre, prix Goncourt 2014. Loin de considérer le confinement pour tous comme une chance de cette période tant COVID19 aura laissé de drames, d’épreuves et de morts en très grand nombre comme à la période des grandes épidémies de l’histoire humaine, elle rappelle aussi la nécessité pour les gens de lettres de s’isoler longtemps pour ne se consacrer qu’à leur œuvre.


Elle cite par exemple Kafka qui postule dans une lettre à Felice : « J’ai souvent pensé que la meilleure façon de vivre pour moi serait de m’installer avec une lampe et ce qu’il faut pour écrire au cœur d’une vaste cave isolée. On m’apporterait mes repas, et on les déposerait toujours très loin de ma place, derrière la porte la plus extérieure de la cave. »
Elle n’oublie pas Emily Brontë, qui prit le parti souverain de vivre retirée dans un village désolé du Yorkshire, loin des divertissements de la ville, loin de ce qui se pense et de ce qui s’écrit dans ces consensus confortables qui rassemblent les hommes, loin des intrigues et manœuvres dans lesquelles ils trempent pour parvenir.

Les sites culturels en surchauffe

Si la lecture revient en puissance dans la vie de tous les jours, le support n’est pas toujours le papier imprimé. Les sites d’information d’Internet sont sous tension, avec des taux de visites inégalés.
C’est le cas des grands éditeurs de la presse écrite dont les lecteurs ne sortent plus pour se rende au kiosque le plus proche, ou ne reçoivent plus régulièrement leur abonnement à cause des défaillances postales.
Un éditeur de presse locale d’information fait aussi ce même constat, avec des consultations des journaux virtuels en augmentation de 30 à 40%.
Les sites des musées profitent également de la disponibilité des internautes qui viennent visiter virtuellement les galeries et collections en ligne.
La soif de culture est donc bien le meilleur des symptômes de cette période compliquée. Il révèle non pas une maladie, mais au contraire un besoin d’évasion et de liberté par la culture. On aura beau confiner les individus, jamais leur esprit ne restera enfermé.
PIERRE MABIRE

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