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Diplomatie, culture : vers un renforcement du français sur les scènes internationales

Jebb Gladwyn, l’Anglais. Lie Trygve, le Norvégien. Dag Hammarskjӧld, le Suédois. U Thant, le Birman. Kurt Waldeim, l’Autrichien. Javier Pérez de Cuéllar, le Péruvien. Boutros Boutros-Ghali, l’Egyptien. Kofi Annan, le Ghanéen. Ban Ki-Moon, le Coréen du Sud. António Guterres, le Portugais.
Malgré leurs pays de naissance et leurs racines culturelles très différents, des points communs relient ces hommes : tous ont exercé la difficile fonction de secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies – ou l’exerce encore pour ce qui concerne António Guterres. Tous pratiquent les langues française et anglaise comme si elles étaient leurs langues maternelles.

Une précision indispensable

Pour accéder à cette très haute fonction, l’usage de ces deux langues est une obligation car ce sont les langues de travail du secrétariat général de l’ONU.
Si, ailleurs qu’à l’ONU, l’anglais occupe un espace volumineux dans les conférences du monde économique, technique, médical, le français reste en position de force dans le secteur de la diplomatie. Bien que sa pratique à l’international ne soit pas réservée à la seule diplomatie – et loin s’en faut – le français se distingue de la langue de Shakespeare pour sa précision indispensable à la rédaction des accords internationaux.

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« Historiquement, le premier traité international rédigé exclusivement en français est le traité de Rastatt (1714), qui marque la fin de la guerre de Succession d’Espagne. Il ne faut pas y voir le résultat d’une prédominance politique de la France à cette époque, mais bien la reconnaissance du rayonnement culturel de la langue française », soulignait Raoul Delcorde (photo ci-dessus), ambassadeur de Belgique à Ottawa, dans une tribune libre publiée en 2018 par le quotidien canadien « Le Devoir ».
Et d’ajouter : « Même le très renommé diplomate britannique Harold Nicholson fit en 1939 l’éloge du caractère logique et de la « précision géométrique » (ce sont ses termes) de la langue française. Plus étonnant peut-être : le français est au XIXe siècle la langue de travail des diplomates ottomans. »

L’échec de la résolution 242 de l’ONU

En 1919, lors de la conférence préparatoire au Traité de Versailles qui devait être signé sur les ruines de la Première guerre mondiale de 1914-18, si l’anglais fut ajouté au français comme langue de travail, et le Traité rédigé dans les deux langues, il fut acquis qu’en cas de divergence, seul le français ferait foi.
Parfois détrôné par l’anglais dans la rédaction de textes internationaux, son absence se fait ressentir lorsqu’il s’agit d’en appliquer les résolutions. Ce fut notamment le cas de la résolution 242 de l’ONU statuant sur les territoires arabes occupés par Israël à la suite de la Guerre des Six jours.

Israël réclamait des négociations directes avec les pays arabes et refusait de se replier sur les frontières d’avant la guerre des Six Jours.
Pour justifier son action, le gouvernement de Tel-Aviv s’appuyait sur la version anglaise du texte de la résolution (le texte a été rédigé en anglais et en français, les deux langues officielles de l’ONU en 1967) qui parlait d’un retrait israélien « de territoires occupés » (« from territories occupied in the recent conflict »), ne précisant donc aucunement de quels territoires il s’agit (« from ‘the’ territories » aurait précisé l’origine des territoires), reniant ainsi la version française qui était nettement plus contraignante car plus précise et qui parlait « des territoires occupés lors du récent conflit ».
Les années qui suivirent la guerre des Six Jours furent alors marquées par une radicalisation de la résistance palestinienne et par la mise en place d’une guerre d’usure entre Israël et l’Egypte.
L’ONU n’arriva finalement pas à empêcher l’escalade des tensions qui déboucha en 1973 sur de nouveaux conflits israélo-arabes, avec une paix durable toujours non-aboutie cinquante-trois ans plus tard.

Une langue d’avenir

Souvent annoncé « sur le déclin » par des détracteurs, le français est au contraire en expansion, notamment en Afrique qui connait un fort développement démographique.
Vers 2050, le français sera parlé par près de 750 millions de personnes, selon les projections de l’Organisation Internationale de la Francophonie. Une progression spectaculaire par rapport aux 300 millions de locuteurs recensés aujourd’hui dans le monde.

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Le français resterait donc la deuxième langue parlée sur quatre continents (Amérique, Europe, Afrique, Océanie)- derrière l’anglais, si on tient compte du fait que le chinois n’est quasiment parlé que dans un seul pays, que l’espagnol se pratique sur deux continents et que l’arabe fédère en fait plusieurs langues différentes.
Cependant, le français n’a pas vocation à supplanter d’autres langues ni à les remplacer. Sa force est d’être un carrefour par lequel se croisent de nombreuses cultures porteuses de richesses et de talents. Lui-même fruit d’un long métissage linguistique, il est symbole d’une diversité qui ne s’accommode pas des tentations identitaires du repli derrière ses frontières, au sens large du mot.

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